Un livre qui offre plus d'un défi. Le premier est peut-être celui de son titre. Quand je l'ai vu, il a titillé mon intérêt, j'ai lu le synopsis, mais me suis dit "mhummm, non", pas envie de lire un livre où la religion est encore au centre - cf. The Abstinence Teacher. Puis j'ai découvert qu'il passait présenter son livre à l'Université, et on ne rate pas une occasion d'écouter un auteur parler de son texte quand il vient le faire à domicile. Et son livre ne parle en fait pas plus de religion qu'un autre. Je pense au contraire que les fondamentaux sont ceux du métier du personnage principal, Chavez, consultant en stratégie, auxquels le temps passant il a de plus en plus de mal à se tenir.
Le second défi est celui de la forme. le livre se lit comme un long monologue, qui, selon l'auteur, rend le texte peut-être plus créatif, car il force le lecteur à prendre position sur le texte, à imaginer ce qui se passe réellement, dans ce dialogue tronqué entre un Pakistanais et cet homme croisé dans la rue qu'il prend pour un Américain et à qui il raconte son histoire.
Celles-ci a plusieurs trames, la situation d'énonciation pourrait nous mettre dans un thriller (comment un Pakistanais et un Américains peuvent-ils ne pas finir par s'entre-tuer juste après 9/11?), mais il raconte également l'histoire d'un étranger, jeune diplômé d'Harvard, qui a fait ses études grâce à des bourses (donc qui n'appartient doublement pas), tiraillé entre deux identités : la Pakistanais qu'il a cessé d'être tout en le restant, l'Américain qu'il n'en finit pas de devenir, faute de jamais pouvoir l'être. Il est intéressant d'ailleurs, de souligner qu'il se dit bien plus New Yorkais qu'Américain. Les grandes villes ont cet effet magique et apaisant sur les exilés.
Si être émigré n'était pas déjà asse dur, sa vie se complique après 9/11 qui, lorsqu'il l'apprend, lui arrache, malgré lui, un sourire. Nouveau défi pour le lecteur occidental, mais à ce point du livre, il est hors de question de ne pas savoir la fin, de ne pas savoir pourquoi il sourit. Il sourit parce qu'il n'est pas Américain, qu'il n'appartient pas à cet endroit, n'y appartiendra jamais, et que c'est si dur d'y vivre ainsi, de maintenir une identité uniforme dans ces conditions. Il sourit parce que ça à qui tout sourit et qui parfois donnent l'impression d'être supérieurs à tous les autres sont à genou. Il sourit car, qu'il le veuille ou non, il est forcé de reconnaître son appartenance à une communauté. Il peut sourire et désapprouver la mort d'innocents et le terrorisme. On peut penser, être une chose et son contraire, et ce livre le prouve avec maestria.
Et il n'est pas à un paradoxe près, sur la trame politico-personnelle se superpose une trame amoureuse. Erica, dont Chavez tombe éperdument amoureux, est amoureuse d'un mort, son amour d'enfant emporté par un cancer. Et autant elle lutte, autant la nostalgie, un sentiment important pour M. Hamid, et pour tout exilé, volontaire ou non, autant la nostalgie la rattrape et l'emporte.
Comment vivre sa vie, au fond, demande le livre ? Faut-il donner dans le passé ? Essayer de n'être qu'un seul, de retenir, son identité, à toute force, contre l'espace et le temps ?