mardi 21 octobre 2008

Défense de la poésie


Défense de la poésie !


Défense oui ! Car elle est attaquée. La poésie sombre, la poésie disparaît, la poésie ne fait plus vendre, elle devient de plus ne plus l’apanage de spécialistes. Les étudiants la travaillent parce qu’obligés – la résignation de Bertrand Marchal est encore fraîche dans ma mémoire. La littérature n’est déjà plus très en vogue. Non, ce n’est plus la littérature qui plaît, mais les romans, de préférence gros et dense, avec plein d’intrigue, de personnages, de sentiments, de mystère, je reprends les mots du maître car j’acquiesce, en effet, dans le métro, dans la rue, si on lit encore, on est bien loin du roman sur le vide de Flaubert…

Et la poésie dans tout cela ?

La poésie ? Mais c’est encore pire… Qui lit encore de la poésie aujourd’hui ? Qui peut dire y comprendre quelque chose. Combien n’y a-t-il pas de gens intelligents dans mon entourage, y compris un diplômé d’Oxford en philosophie, qui disent n’y rien entendre en poésie. Alors en effet, si personne n’y comprend rien, à quoi bon ? à qui bon encore la lire … ?


Parce qu’on ne peut tout simplement pas décider de la rayer de nos vies. C’est tout simplement impossible. Si on réfléchit, si je repense à mon enfance, je me souviens des Colchiques et de Prévert, et de Marie-Noel que j’apprenais à l’école primaire, et de combien j’aimais les réciter, et dessiner à côté. C’était beau et rigolo la poésie, ça racontait une histoire et c’était musical.

Et c’est drôle la poésie, c’est drôle… ! Prenez Donne et sa puce - il propose à sa dulcinée qu’il n’a pas encore épousée qu’ils se fassent mordre par la même puce pour qu’ils puissent enfin se fondre l’un dans l’autre, partageant leur sang. C’est Corbière, c’est Musset et leurs parodies, enfin sérieusement, c’est à mourir de rire.

C’est engagé la poésie, reagrdez Victor Hugo et le coup d’Etat de Napoléon III, ça par contre, ça ne fait guère rire, il ne fait pas bon être Napoléon III dans l’entourage d’un Hugo.

C’est émouvant la poésie : « demain, dès l’aube, je partirai, je sais que tu m’attends… » ! Qui honnètement, ira nier que ces vers d’Hugo à sa fille morte ne l’ont pas touché !

C’est une déclaration la poésie, regardez Elizabeth Barrett Browning et ses sonnets du Portugais, elle n’est pas aussi connue que son mari, et pour cause, mais enfin là, elle y a mis toute son âme, et c’est beau, ce n’est pas Ronsard, elle aime, et elle sait le faire sentir… !

La poésie, c’est épique, c’est un élan de l’âme, une exhortation, ouvrez l’Iliade bon sang !

Mais surtout, pour tout le monde, la poésie c’est un écho, ce sont ces sentiments qu’on n’arrive pas à nommer et qui tout d’un coup trouvent les mots parfaits sous nos yeux, si parfaits qu’on les apprends par cœur, qu’on les garde avec soi, et qu’on ne les oublie plus.

Pour moi, ce sont les premiers vers de Bishop dans "Argument" :

Argument

Days that cannot bring you near

Or will not,

Distance trying to appear

Something more than obstinate,

Argue argue argue with me

Endlessly

Neither providing you less wanted nor less dear. (...)

C’est ma vie en ce moment, et ça le sera encore longtemps. Ma vie est dans ces vers, nulle part ailleurs, pas dans Dan Brown ou Cecilia Ahern que pourtant j’apprécie.


D’ailleurs, c’est un coup bas, mais que pensez-vous qu’on se rappelle dans des situations désespérées… ? Robinson Crusoé, à quoi il pense sur son île ? à de la poésie ! sur le front en 1914, à quoi ils pensent, qu’est-ce qu’ils écrivent, les gamins ? des lettres à leurs fiancés et des poèmes, regardez seulement toutes les anthologies qui traînent ! et là le coup bas, ouvrez Primo Levi, si c’est un homme, un autre de ces livres que tout le monde a « dû » lire… à quoi ils pensent aux tous là-bas, dans l’enfer ? à de la poésie… !

Et pourquoi diable à de la poésie ? Parce que c’est beau, c’est en vers, ça sonne bien, c’est facile à retenir… ?

Certes.

Ou alors parce que ça les a marqué, parce qu’ils n’ont pas compris au départ mais ces mots son restés et prennent leur sens maintenant.

C’est ça la poésie, c’est une bombe à retardement. Et quand tout le monde arrêtera de penser avec un léger complexe d’infériorité que c’est trop dur, et se mettra vraiment à la lire, avec ses tripes, alors ce fameux monde verra un monde s’ouvrir devant lui, un monde merveilleux, ou les choses habituelles changent de couleur, et les mots prennent de la saveur, où le monde devient vraiment charnelle. La poésie, c’est l’âme qui part au corps. C’est ce qui fait de nous plus que des animaux, c’est notre capacité à parler par référence, par figuration, à comprendre les analogies. C’est notre goût pour le beau, juste beau, et pas directement utile, alors qu’au fond, il n’y ait pas un vers, pas un vers de poésie qui n’ait pas son utilité pour notre âme.

Alors ne lâchons rien sur la poésie !

Courrez acheter des livres – non mieux, commencez par relire ceux qui traînent chez vous, confortablement installé, et laissé vous porté, n’essayez pas de faire attention, écoutez la musique des mots, la musique des mots qui pénètre l’âme, et laissez-la incuber.

dimanche 21 septembre 2008

like a compass, a man's finger...



A Thousand Splendid Suns, de Khaled Hosseini, son dernier livre, est une petite merveille qui en suivant deux personnages vite passionnants offre un vaste aperçu de l’histoire politique eet sociale de l’Afghanistan sur une trentaine d’années.

On a beau savoir des choses sur l’Afghanistan, les conditions de vie choquantes que les talibans mettent en place lorsqu’ils prennent le pouvoir, il y a toujours des choses que l’on ignore, les conditions de vie concrètes, si éloignées des nôtres, nous sont presque inconcevables. C’est le propos du genre romanesque en lui-même, par l’imagination, nous permettre d’accéder à un type d’expérience qui dans la vie nous est étranger. Le dépaysement est total dans ce roman, l’auteur nous immerge complètement dans la vie de ces deux femmes, nous fait partager leurs souffrances, leurs espoirs, leurs luttes.

Les femmes sont les membres de la population afghane qui souffrirent le plus durant ces trente, quarante dernières années, aussi est-ce un parti pris aussi intéressant et nécessaire pour l’auteur que de s’intéresser à elle. il commence à l’enfance de la première des deux, défavorisé à un point à peine concevable, et en nous laissant suivre ainsi ce personnage jusqu’à a mort, il montre comment l’histoire, personnelle comme la grande, peut changer des gens, casser ou non des caractères. Comment on passe d’une naissance relativement libre à celle d’esclave, comment la volonté peut-elle le supporter. Est-ce qu’on renonce complètement à soi ?

Là entre dans l’histoire la seconde femme qu’on ne voyait d’abord que de loin. Ennemies au départ, elles s’allient vite, et pour le meilleure, la deuxième apporte du sang neuf, une seconde jeunesse, si à trente ans on est vieux, à cette femme qui a déjà tant vu de la vie, et lui offre le choix. Celui de choisir qui elle veut être. On peut réfléchir, se demander dans quelle mesure la différence de leur parcours influe sur le fait que la deuxième est forte, insoumise, et impossible à briser également. Pourquoi l’une plutôt que l’autre ? et là aussi, comment quelqu’un qui n’est pas près aux compromis arrive-t-elle à en faire, lorsque l’histoire l’y force, sans cesser d’être elle-même, sans renoncer à ce qu’elle croit.

Ce livre n’est pas seulement celui de comment on vit en Afghanistan, ce serait en limiter dangereusement le propos, plutôt, comment l’homme, la femme, peut-il s’adapter à tant de choses différentes, vivre et continuer à être soi-même, résister en son for intérieur quelles que soient les circonstances. Il accomplit donc beaucoup de choses d’un coup, nous donne un aperçu de première main sur des guerres et des conditions de vie dont on ne sait que peu, et rien qu’à ce titre, il mérite d’être lu, mais il nous demande aussi, et là, il dépasse bien le cadre de l’Afghanistan pour élever son propos au général, quand cesse-t-on d’être soi ? Comment survivre à la machine à broyer les hommes que l’histoire peut parfois se révéler être… en d’autres temps, d’autres lieux, et à travers d’autres expériences, il pose la même question que sur un genre peu sérieux, I am a legend, ou plus sérieux, Si c’est un homme





samedi 20 septembre 2008

avant première de "si sos brujo"...

Il y a des choses qui ne s’apprennent pas sur le seuil, mais au cœur de l’orchestre, dit en substance Wynton Marsalis , l’un des musiciens invités d’une histoire du tango.

C’est la raison d’être de l’Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce, sujet du documentaire de Caroline Neal. Le projet naît de la rencontre entre la réalisatrice et Ignacio Varchausky, l’homme à l’initiative de cet orchestre. Ignacio a un rêve, une obsession, reconstituer un orchestre comme d’antan, pour renouer avec une façon de jouer, un toucher qui a disparu avec la fin des grands orchestres. Les maîtres ont pris leur retraite, leur savoir ne se transmet plus, c’est toute une tradition qui risque de disparaître. Outre son rêve, Ignacio est également poussé par la conscience aigue de la perte possible, et par un désir altruiste de permettre aux musiciens de la jeune génération d’accéder à une façon de jouer qui ne se maîtrise pas juste en écoutant les disques. Il faut un maître. Et au cœur de ce projet, Emilio Balcarce, monstre sacré du tango. Le film documente au moins autant la formation de l’orchestre, qu’il rend hommage à cette figure tutélaire qui fait l’unanimité aussi bien auprès des maîtres, que des jeunes musiciens.

Le film suit une trame chronologique, sans fausses frayeurs, sans anticipation. Caroline, souvent caméra à l’épaule, est l’ombre d’Ignacio, un œil qui le suit partout, l’accompagne dans une discrétion impressionnante. Elle ne prend pas parti, si ce n’est par son souhait même de faire le film, et jamais les personnes ne s’adressent à elle, ne reconnaissent réellement sa présence, ce qui crée un grand sentiment d’intimité pour le spectateur, et lui permet de s’impliquer bien plus en le laissant libre de ses émotions. Plutôt que d’assener un sentimentalisme de mauvais ton à l’entreprise presque philanthropique d’Ignacio, le film manifeste une réserve qui ne peut que séduire. Ignacio lui-même, colonne vertébrale de l’orchestre, celui par qui tout est devenu possible, est discret au point d’en être absent. Au fond, on ne sait même pas vraiment s’il joue dans l’orchestre, on le voit à peine avec les musiciens – or c’était son rêve, il pourrait en vouloir un peu pour lui ; tout ce qu’il veut c’est permettre le passage, la transmission, la rencontre avec une sobriété d’émotions incroyables – ce n’est pas la question au fond.



La subtilité est donc le maître mot de ce documentaire, éloge, mais qui pense convaincre davantage par la qualité de son sujet que par ses ronds de jambes, et plaidoyer pour la musique. Il s’agit de retrouver les arrangements originaux, les grands maîtres, mais pas parce qu’ils sont meilleurs, parce que c’est quelque chose qui se perd, parce que c’est une façon de jouer – en soit, un instrument – qui disparaît. Ramiro Gallo, l’un des violonistes de l’orchestre compose lui-même et l’orchestre joue sa musique. Il ne s’agit pas tant de faire revivre un vieux Buenos Aires mythifié que d’offrir à la musique, et surtout aux musiciens, toutes les opportunités possibles, une liberté de choix et de moyens incroyables pour s’exprimer dans leur art. Et les voir répéter, étudier, communiquer entre eux, un maître mot du documentaire, ne peut qu’enlever l’assentiment et susciter l’admiration du spectateur.

Une histoire du tango est un excellent documentaire, les dix premières minutes de film sont maladroites, trop de plans serrés, de tournage caméra à l’épaule, mais le sujet est excellent, et la réalisation devient vite très bonne. Le film est extrêmement riche en plus, on se passionne devant les difficultés pour créer et faire fonctionner l’orchestre, on vibre à l’unisson avec les cordes des violons, sans trémolos maladroits, on voit un rêve devenir réalité, rêve matérialisé de façon très poétique par diverses scènes très épurées qui scandent le film, tournées à la Milonga Ideal – nom bien choisi pour l’occasion – un haut lieu de la danse et de la musique à Buenos Aires. On y voit au fur et à mesure le rêve devenir réalité, et l’orchestre se constituer.

Et le rêve est bien réel, l’orchestre existe maintenant depuis huit ans, il joue depuis des années à Chaillot, comme lors du grand festival de tango de juin dernier, et a un fort succès. Si Emilio Balcarce, 89 ans maintenant, ne joue plus qu’en tant que maître invité, on peut reconnaître sur scène certains des musiciens du documentaire, et l’orchestre survit à son maître dont il a prit le nom, sous la direction cette fois d’un autre maître, Nestor Marconi.

Le film, en complète résonance avec son sujet, peut donc être considéré comme un modèle de générosité et d’altruisme en son genre qui ne peut que conquérir son spectateur.



Retrouvez l'Orquesta Escuela sur le post "la bonne étoile" de juin, chronique du festival de Chaillot. http://lenora-latourdivoire.blogspot.com/2008/06/la-bonne-toile.html



Retrouvez d'autres critiques de films, de livres, de musique sur l'excellent culturopoing qui m'a permis d'assister à cette avant-première.
http://culturopoing.com/

mardi 1 juillet 2008

le parc de Bagatelle


On entre à bagatelle par une grille en fer forgé bleu et or, grille du jardin de Cendrillon, qui ne semble encore qu’une extension du Bois de Boulogne. Une auberge de luxe se découvre au bout de cette allée cernée de grands arbres qui cachent le jardin à proprement parler. On passe, une autre auberge plus pittoresque, brique rouge et pierre blanche. On passe, on passe vers le Kimonos. Ils sont beaux, mais peu nombreux, les couloirs sombres en rendant les couleurs d’autant plus éclatantes. Au fond, on est vite dehors… et sur sa faim. Et là, au loin un petit coin vers. Au surprise, un jardin de pivoines, belles, orgueilleuses, magnifiques et hautain comme les dahlias entêtants. Une sphinge les garde, marmorréennement. En face, blanche aussi, une paonne. Du jardin de cendrillon encore. Et à tourner autour d’elle pour la photographier, elle nous pousse lentement vers un étang de nénuphars et d’herbes folles. Au bout, une grotte, dans la grotte, une chute d’eau, et dehors aussi, et des canetons, et d’autres fleurs. Tournons autour de la grotte pour voir si on peut l’escalader, mais aussi, au loin, il y a encore une autre allée. Que nous suivons. Vers le repas des chats. Bagatelle regorge de chats et une âme bienveillante vient ce soir là sous nos yeux médusés en faire sortir une dizaine des fourrés autour de nous, méfiants, magnifiques et fiers. Une autre allée plus loin, une roseraie. Immense, des roses, des rosiers en damiers, des buissons de toutes les couleurs, les couleurs de répétant, et de belles roses dardant leur têtes lourdes sur l’horizon vert, face à d’autre roses, et encore des roses. Un océan multicolore de rose. Nous le quittons embaumés, entêtés, et l’allée sinueuse nous mène à une petite roche offrant un point de vue sur le parc, comme une grande cage à oiseau. A ses pieds, un autre petit étang, mais timide celui-là, aux belles plantes presque sauvages, presque, on ne s’y trompe pas, mais qu’en ont-elles l’air ébouriffé ! Et derrière cet étang, encore un étang, que de crapauds princes doit-il y avoir ici la nuit tombée. Cet étang-là est celui de la grande-roche, plusieurs mètres de haut, elle domine, et lâche une chute d’eau magistrale sur les calmes nénuphars ondulants à ses pieds. Nous y tournons, et retournons, et à force de tourner nous en éloignons, pour croiser deux paons, les vrais maîtres, incontestablement, de ce jardin. Ils nous poussent vers l’auberge, vue auparavant. Mais là, quelle surprise, la petite auberge rouge dissimulait un magnifique jardin de plantes grimpantes, un mur de roses multicolores ! Des arceaux de clématite violette, et des plantes folles, des plantes folles partout entre les allées, de toutes les couleurs, de toutes les tailles, rayonnant en tout sens. L’auberge dépassée, nous retrouvons l’autre, la luxueuse, sans nous en rendre compte, car, devant nous, médusés, la plus grande roseraie qu’on puisse imaginer. Cette fois les allées sont de graviers, et les rosiers, poliment plantés entre elles, et parfois, entre les buissons rampants, un rosier au tronc fin, développé en boule à sa tête se tend vers nous pour mieux faire sentir des fleurs de velours. Il y a de quoi se perdre dans cette roseraie, à vouloir toutes les voir, et d’avoir le vertige tant la tête tourne en tous sens à vouloir les embrasser en un regard, la munificence de ce jardin secret s’offre en un tel bloc sublime qu’elle laisse pantois, hébété, et triste sous l’effet du choc, de l’impossibilité, de la frustration et du manque. Un petit jardin aux calmes iris nous rassérène un peu, et l’allée monotone de sortie achève de nous préparer à quitter Bagatelle, à le laisser à ses paons, tandis que nous, pauvres mortels, vivons la descente dans le métro comme une chute dans l’artificiel et le mécanique, bien plus tangibles, embrassable, et concret, que la délicate beauté de ce jardin impalpable dont le souvenir aiguillon nous pique depuis ce jour.

plus de photo ici :http://picasaweb.google.com/latourdivoire/ParcDeBagatelle



mercredi 11 juin 2008

la bonne étoile...


Le théâtre de Chaillot donne en ce moment le cycle Buenos Aires Tango 4, composé de 3 programmes : Grotesca Pasion Trasnochada, dont on dit le plus grand bien, cf le monde, tango clasicos I, que j'ai vu ce soir, et II, que je verrai vendredi.

Et devinez qui dansait .... ???

Sébastian Arce et Mariana Montes...

ET

Damien Rosenthal et Céline Ruiz, Claudia Codega et Esteban Moreno, Gloria et Eduardo.

J'ai acheté les billets en octobre, je n'avais aucune idée de qui danserait. Bien m'en a pris, autant pour mon séjour en Angleterre, me voilà avec 4 couples merveilleux pour le prix d'un...

http://www.theatre-chaillot.fr/spectacle.php?id=63&view=media

Le spectacle s'organisait autour des différents aspects du tango, la musique et la danse y ont eu part égale, ce qui crée d'emblée un bon équilibre et donne du dynamisme à ce speactale. L'orchestre, vraiment excellent, les cordes étaient d'une beauté, et le bandonéon... un régal. les partis pris de Nestor Marconi (le chef de l'Orquesta Escuela de tango Emilio Balcarce) étaient intéressants, il a offert une lecture personnelle d'un arrangement de différents grands morceaux de Piazzolla relativement différente de celle que j'aime, mais qui n'en était pas moins belle, outre le plaisir de la version à découvrir et apprécier. il a alterné avec un duo de guitare-piano, j'ai particulièrement aimé le rythme du piano, il était fort sans être écrasant dans les accords très graves, avec une guitare sèche, un peu surprenante, mais cela formait un très bel ensemble de trois chansons. Duo Salgan - Fabella. Outre cela, une très grand et relativement âgé maintenant chanteur de tango : Juan Carlos Godoy. Le contraste entre la fraîcheur de sa voix et la difficulté de sa démarche est saisissant, et sa Mariposa... il a vraiment un timbre très riche, très velouté...

Reste à parler de la danse...

Le couple Codega Moreno propose une danse très souple, très léchée dirons - nous, donc a priori, parfois un peu lisse, mais, du coup, qui donne un fini très satiné pour ces deux danseurs dont la réputation n'est plus à faire.

Rosenthal et Ruiz, comme toujours, c'est le couple le plus physique pour faire simple, Ruiz cherche ses appuis bas dans le sol, fait des volcadas en grand écart, a sur le visage l'expression dure et fermée de la souffrance - celle exprimée dans la danse, et celle que doivent faire subit à son dos certain gancho arrière qu'elle fait a priori sans guère d'élan, avec le poids à gérer seule... Esthétiquement, ils offrent un spectacle de tango classique, et moderne à la fois, classique, parce que leur danse parle des travers des couples, de la souffrance de l'amour, moderne, parce qu'il tient solidemment du néotango. De plus, ils sont assez grands, Damien a un visage charismatique, et Céline une beauté fragile et naturelle assez saisissante, et contrastant avec le lourd maquillage qu'on pu arborer Claudia et Mariana pour leurs premières danses.

Gloria et Eduardo, attention, couple très surprenant, ils ont la cinquantaine bien sonnée, voire plus, un solide embonpoint, mais un sourire... un de ces sourires... c'est le tango heureux ! ils racontent une histoire d'amour, qui a ses hauts et ses bas, mais qui n'est pas vécue au tragique, et ça, déjà, est un souffle d'air, et de plus, ils cachent bien leurs jeux, avec leurs petits pas mignons, ils vous donnent à croire le tango musette, et tout d'un coup, paf, la milonga explose et Gloria se met à bouger à une vitesse qu'on a du mal à suivre et complètement insoupçonné. Leur sourire, leur style, leur élégance leur donne une noblesse qui ne manque pas de susciter un torrent d'applaudissement, ils offrent une véritable fête et mettent de l'humour dans le tango. Un grand bravo !

Arce & Montes, en grande admiratrice, j'attendais plus, j'ai été frustrée, mais non déçue. Leur danse était propre, belle, d'une évidente beauté en fait, elle se donne elle-même comme belle en dehors de toute évaluation, on ne peut que la recevoir comme telle, c'est déjà un tour de force en soi. Ajoutez à cela la beauté de Mariana, son élégance féline, sa droiture, elle a une très belle tenue qu'on n'apprécie pas autant chez Céline qui danse plus dans les genoux, Mariana, elle est droite et fière, elle attire les regards, et son partenaire, avec ses petits sourires mutins pendant les danses sait diablement la mettre en valeur. Du coup, on en oublie les autres... tel un chat assis dans une rue où se trouvent côté à côte boucherie et poissonnerie, je me léchais les babines sans savoir où donner de la tête quand Céline et Damien, et Mariana et Sébastian dansait en même temps. ce fut un doux supplice, au détriment du couple Claudia - Esteban, je dois bien le reconnaître, mais, à mes yeux partiaux, le charisme des deux premiers couples est tel que c'est déjà un miracle si on peut en soutenir la vue en même temps. Il ne reste plus de place après...

Moralité, ce fut un merveilleux spectacle, j'ai failli pleurer de joie quand j'ai découvert qui en seraient les danseurs... et je l'ai passé avec un stupide sourire béat de ravissement qui m'a valu de bonnes crampes aux joues pour la fin de la soirée...

Vivement vendredi !

vendredi 16 mai 2008

Sebastian Arce - Mariana Montes

Une nouvelle vidéo de mes favorites. Tango superbe de mes deux danseurs fétiches, qui viendront au Chantier précisément quand je serai en Angleterre...

... ô rage, ô désespoir...!!!

lundi 12 mai 2008

addenda

... pour compléter le précédent.

Un médecin, une femme : Sonet Ehlers, entendant une victime de viol lui dire "si seulement j'avais des dents là en-bas", et repensant à la douleur d'un garçon qui s'était coincé dans sa braguette - ouch - a eu l'idée originale d'inventer un préservatif féminin denté pour prévenir les viols. On le met quand on n'est pas sûre de sa sortie (rendez-vous louche, trajet de nuit dans un endroit bien fréquenté...), et si un violeur nous attaque, les petites dents se referment sur lui, il souffre le martyre, a priori, on a la paix pour s'échapper et il est bon pour aller à l'hôpital se le faire retirer. Du coup, plus de problème si on est violées sous drogue, le préservatif sert de preuve, et a priori, il empêche aussi l'échange de fluides.

Parmi les FAQ, on trouve : "que faire si un homme entre dans ma maison pendant que je dors pour me violer ?" Réponse, gardez le toujours à portée, il se met très vite et très facilement.
On frôle pas un peu la névrose là quand même... ? La questionneuse apeurée doit vivre au fin fond de la zone et avoir déjà été traumatisée, sinon, j'avoue que j'ai du mal à comprendre...

http://www.rapestop.net/survey/index.asp

"vagina dentata"


C'est le principe de Teeth. Attention spoilers, je résume très brièvement l'intrigue. Ouverture sur une centrale nucléaire surplombant de sa jolie cheminée une petite ville de province américaine. Une jeune fille profondément engagée dans un mouvement d'abstinent, d'environ 17 ans, se découvre attirée par un autre jeune abstinent, ayant en fait déjà fauté. Vaguement désorientée par cette attirance, elle faiblit et l'appelle et se retrouve à batifoler avec lui près d'un étang isolé. La tentation est forte, elle veut finalement refuser, lui, frustré par tant d'abstinence "i haven't jerked off till Eastern !!!", insiste et entreprend de la violer, quand on découvre ce que le film avait commencer de suggérer, elle a un vagin denté, qui tranche net le sexe mal intentionné. Effroi général, débandade... La jeune fille se retrouve en crise, d'une part, elle a ébranlé ses voeux d'abstinence - en envisageant de les rompre - et d'autre part, qu'est devenu le jeune homme, disparu... Elle se renseigne, cherche sur le net, essaie de comprendre, découvre la légende du vagin denté que l'homme doit conquérir (alias, sa propre peur de la sexualité féminine). Décidant d'en avoir le coeur net, elle va chez un gynéco. Le médecin, modèle d'indélicatesse, la force de la main. Il y laisse quatre doigts. Completement terrorisée, elle se sauve, rentre chez elle, pour découvrir sa mère évanouie (elle semble avoir un cancer), en plein milieu du couloir, avec en fond son frère (tattouages, percing, rottweiler, photos suggestives, joints etc), en train de sodomiser sa copine, porte ouverte et musique à fond devant la mère effondrée dans le couloir. Dawn la fait envoyer à l'hôpital, et finit par se réfugier chez un autre garçon qui semblait avoir été gentil avec elle. Elle est en crise de nerf, il lui fait prendre un bain, lui donne un fort psychotrope pour la détendre, la fait boire du champagne, éclaire sa chambre avec une bonne cinquantaine de bougies, prépare un plan en résumé, la convainc qu'il est son héros, et parvient à profiter d'elle, vu l'état second dans lequel elle se trouvait. Autant pour ses voeux d'abstinence, la demoiselle s'amuse vraiment. Pas de pénis sectionné cette fois. Nouvelle session le lendemain, le téléphone du jeune homme sonne en plein milieu, il décroche, veut faire parler Dawn, elle se rend compte qu'il a fait un pari sur elle, ça l'énerve, clac, nouveau pénis sectionné. Elle retourne à l'hôpital, découvre que son frère avait entendu sa mère hurler et l'avait sciemment ignoré, qu'il a lancé son rottweiler sur son père qui avait essayé de le mettre à sa porte. Son frère, depuis tout petit, était amoureux d'elle et n'attend qu'une chose, pouvoir enfin coucher avec elle. Le sachant, elle lui tend un piège, le castre, et regarde, impassible, son rottweiler manger le précieux appendice au piercing géant avant de quitter la ville en autostop. Elle se réveille sur une aire d'autoroute, essaye de sortir de la voiture, verrouillée, elle se tourne vers le chauffeur, un sexagénaire lubrique qui s'imagine l'exciter en lui tirant la langue. Cris de dégoûts dans la salle. Haussement de sourcil exaspéré de Dawn, elle retente de sortir de la voiture, sans succès, et fini par se retourner vers le vieux avec, cette fois elle aussi, un petit sourire vicieux. Fin du film.

Ce film pose énormément de questions. Il se voulait au départ un film américain à petit budget, et de festivals en festivals, a remporté un énorme succès. Politiquement incorrect, il se voulait une variation humoristique sur ce mythe bien connu de la peur de la sexualité féminine de la part des hommes, et également un miroir tendu à l'Amérique névrosée du sexe. Il pointe ainsi divers problèmes :

- l'abstinence. Au départ, le monde merveilleux de Dawn, c'est t-shirt petits poney ou stras et paillettes avec un slogan assez dur contre la luxure, la dépravation etc. le sexe est foncièrement mauvais, dans l'absolu, devant Dieu, partout, tout le temps, il faut attendre, tout le monde. Nota bene, ses parents n'ont pas attendus... la virginité est un don précieux, inestimable, à faire à l'autre élu après le mariage. Sacralisation absolue. Suggestion du film, ses idées lui viendraient peut-être par contraste avec son frère qui mène une vie de dépravé et dont les pratiques sexuelles déviantes sont largement suggérées voire plus. En réaction, elle aurait la position opposée.
Le film énumère alors les incohérences, contradictions et ridicules d'une telle position : quel film aller voir au cinéma ? On ne peut voir un film avec des scènes de sexe... cela nous exciterait. Et même devant un dessin animé, son couple d'amis abstinents semble bien excité. Que faire...? On ne peut sortir qu'en groupe, livrés à nous-mêmes, on ne se fait pas confiance, et pire, si on se plaît, même en groupe, il vaut mieux s'éviter, on pourrait succomber. Cela suggère au fil du temps la peur de la souillure, la névrose totale que le sexe suscite chez certains jeunes, comme un véritable péril dont il faut se garder. Avec la sacralisation de la virginité, ils en viennent à se donner une importance excessive au plus petit symbole sexuel, ce qui alimente la frustration, et en gros, fait d'une souris une montagne. En effet, plus ils luttent contre, plus le jardin défendu devient tentant. Suggestion du film : à tant vouloir s'abstenir, la pression devient insoutenable et mène au viol. Oui et non. C'est une façon de se moquer de la part de Teeth, il ne faut pas non plus faire de lien automatique entre abstinents et cinglés, abstinents et violeurs potentiels, abstinents et sex addicts refoulés ou dormants comme Dawn pourrait bien se révéler être. C'est une façon de montrer les problèmes, pas de condamner.

- le passage chez le gynéco : charmante variation sur les clichés habituels. Le pire, c'est qu'il existe certainement des cas isolés de brutes pareilles.

- le frère : jeu sur une concentration de clichés, le parasite social et déviant sexuel consommé. notez, ne pas faire de lien automatique entre sa vie sexuelle décomplexée et libérée, et son parasitisme intensif. Encore une fois, le film dénonce une autre équivalence facile.

- le surborneur : le faux gentil garçon qui en fait a fait un vilain pari et abuse de la tendre naïve et innocente charmante jeune première. Oui et non - la jeune première s'amuse bien, mais ne va certainement pas le reconnaître vu sa condamnation antérieure du texte. Quant au garçon, c'est mal mais, c'est de son âge, ça ne veut pas dire non plus qu'il n'éprouvait rien pour Dawn, on peut tourner les choses et considérer que le pari lui donnait le courage nécessaire pour l'aborder... De plus... une identification du spectateur avec lui est également possible, ce n'est pas un grand méchant Valmont, et l'idée de montrer à Dawn combien elle se fait des illusions sur elle-même et le sexe a quelque chose de tout à fait jubilatoire. Sa condamnation morale du reste du monde peut parfois porter sur les nerfs... On pense vaguement "et toc" tout de même, au premier degré... au premier degré... !!! Il abuse d'elle, tout de même, on n'est bien d'accord, mais le film a plus d'un sens...

- le vieux pervers : alors oui, des vieux pervers, il y en a à la pelle, et en effet, c'est dégouttant, mais il n'y en a proportionnellement sans doute pas plus que des jeunes, il faut juste manquer de chance et tomber dessus...

- la loi du talion : le frère est méchant, la soeur le punit, le castre... le danger, c'est de tomber dans le "bien fait pour lui". Le film se veut léger et drôle, le rottweiler recrache l'extrémité du pénis à cause du piercing géant. Le frère est abandonné pleurant sur sa virilité perdue, sans défense et pathétique. D'une certaine façon, dans tout le film, Dawn applique la loi du talion, tu me violes ? Je te castre. Tu me trompes ? Je te castre. Vous me forcez ? Je vous sectionne les doigts. cf Hard candy. Les situations la mettent en position de légitime défense, et semblent lui donner raison, mais gardons-nous de considérer la castration comme le remède aux violences sexuelles faites aux femmes.
Ce que le film pointe peut-être bien plus derrière, c'est la crise de responsabilité, de contrôle de tous. Personne ne semble avoir de contrôle sur ses pulsions, certianement pas les hommes, et Dawn pas plus qu'eux - elle ne le fait exprès qu'avec son frère, quand elle a compris comment cela fonctionne. Les hommes sont en fait complètement démunis, aussi bien devant leurs pulsions, que devant les catastrophes que cela crée. La castration peut se voir comme une métaphore des conséquences de leurs actes. Un violeur irait en prison, un parieur se ferait humilier, la castration peut être d'ordre symbolique, sociale : cf Merteuil dans Les Liaisons dangeureuses, c'est un peu ce qui lui arrive à la fin, son humiliation lui coupe les griffes. Les femmes, ont en effet en elles-mêmes la possibilité de se défendre autrement que par la castration. Celle-ci, par son caractère irrémédiable, relève de la vengeance et non de la punition. Pour les femmes spectatrices, il faut se garder de la satisfaction du "il l'a bien cherché". La société ne fonctionne pas comme cela, la légitime défense ne légitime pas pour autant une sanction aussi irrémédiable. Certes, cela relève le débat sur la castration chimique, mais enfin, le film, d'abord, encourage à être responsable et assumer ses actes, c'est peut-être sa leçon d'ailleurs.

Quant au problème de l'abstinence, la chasteté, la "pureté" aux Etats-Unis, il ne fait que montrer à quel point le sexe est sujet à controverse dans ce pays. Il fait encore l'objet d'un jugement moral, gradué : l'idéal : abstinence complète avant le mariage. Parler de sexe crûment, c'est mal. Coucher avant le mariage, c'est mal. Se masturber, c'est mal. Coucher avec quelqu'un qu'on aime hors mariage, c'est mal; mais enfin, si on ne peut vraiment pas s'en empêcher, se retenir, c'est toujours plus acceptable que les "one night stands" - les plans culs ou les plans d'un soir : le mal absolu, l'enfer, la dépravation, la luxure. Il y a encore une sérieuse équivalence entre sexe et bestialité. Les gens qui pratiquent le sexe librement sont, aux yeux des abstinents, des bêtes. Le problème est réel et accru dans la mesure où la pudibonderie américaine est telle dans certains Etats que l'éducation sexuelle est nulle, et l'ignorance, c'est bien connu, est mère de tous les maux...Un indice : le terme de pureté. Dès qu'on parle de pureté appliquée aux humains, il y a un problème derrière (cf pureté de la race chez Hitler...). En face de ces rigoristes, les petits jeunes de 13 - 14 ans qui couchent à tout va, et les jeunes adultes et adultes qui font pareil, qui se font des tableaux de chasse, enfin, pour qui c'est un sport comme un autre. On peut se demander si l'un comme l'autre n'aurait pas tort. Il doit bien exister au milieu au-dessus, cf le juste milieu aristotélicien, un groupe de personnes, les gens normaux, qui ne se pose pas de question, ne moralise pas le sexe, ne le fait pas pour ou contre quelque chose (Dieu, la moral, le conformisme, la provocation, la prétendue libération), mais sans arrières-pensées.
Pour nous, Européens, c'est bien moins problématique, la religion n'est plus si prégnante, et de morale, nous ne nous posons pas tant de questions. Mais le problème est réel au Etats-Unis, une hypothèse, le sexe ne relève pas de la sphère privée mais du social, on en rend compte devant la communauté et devant Dieu. Et tous jugent... Cela raidit forcément les attitudes. En France, pour le moment, cela relève de la sphère privée, relevait, mais le mouvement de fonte du privé dans le public devient le même... Simplement, moins moralisateur, le sexe est "juste" un outil marketing... a priori, j'aurais tendance à dire que bientôt aussi, il tendra à définir quel genre de personne on est, respectable ou non selon les critères de la toute puissante opinion publique et du politiquement correct.

Que d'hypocrisie dans tout cela...

vendredi 9 mai 2008

Balanchine - Noureev - Forsythe


J'ai eu l'opportunité merveilleuse d'aller voir ce ballet, hier soir, 8 mai, pour son avant dernière représentation à l'opéra Bastille. C'est un pur enchantement. De façon surprenante, les deux ballets à se ressembler le plus sont ceux de Balanchine et de Forsythe, par leur sens de l'épure, Noureev offrant au milieu une transition richement colorée, extrêmement dynamique, qui enlève le spectateur et le prend à bras le corps, prostré en avant pour mieux en capter toute la beauté, pour le laisser replonger dans la contemplation des deux ballets cadres.

Balanchine d'abord, j'ai été surprise des tenues très épurées des danseurs du corps de ballet, tout d'abord, comme pour mieux concentrer l'attention du spectateur sur ces corps en mouvements. Alternance de différents tableaux, plusieurs couples, des solos, homme seul, femme seule, des ensemble: un homme et des femmes, une femme et des hommes, et un très beau final qui place à nouveau tous en scène ensemble et surprend le spectateur par l'ampleur du corps de ballet, en fait, les costumes ne variant pas de l'un à l'autre, jamais, avant de les voir tous, je ne m'étais attendue à ce que tant de danseurs aient défilé sur la scène. Ms goûts personnels me portent à souligner les solos, et une danse entre deux hommes, que j'ai trouvés éblouissants, les différentes danses ont dégagé une grande sensibilité, de belles prouesses physiques. Enfin il y avait cette façon de marcher, récurrente dans tout ce ballet, avancer la jambe, pointe, poser, basculer le poids, avancer l'autre, pointe, poser, basculer le poids. Elle prenait l'œil, comme une langue un peu étrange, dont on ne sait si elle est réellement mélodieuse, mais qu'on ne se lasse d'entendre. Voilà pour le grand Balanchine.

Noureev ensuite. Le ballet dont on rêve toutes quand on est petites filles. C'était de toute beauté, et si rapide, si vite terminé... les costumes des danseurs étaient magnifiques, de belles robes rouges types russes, certaines longues, certaines terminées en tutu, un couple en noir, et un couple en beige doré, avec une danseuse recouverte de strass dorés et jaunes. Ne fût-ce que pour cela, elle attirait déjà tous les regards. Deux solos ensuite, de ces danseurs dorés, à couper le souffle, magnifique, on imagine très bien Noureev faire ces arabesques, et voir toute cette vingtaine de danseurs dans leurs costumes rouges, tous sur la scène, servant de cadre magnifique aux danses de certains d'entre eux, c'était absolument ravissant, d'une grande richesse de tons. Un seul regret, que le tableau entier s'anima à un moment et non juste certains de ses membres. Mais je n'ai vu là que des extraits, sans doute cela est-ce dans le ballet dans son intégralité. Toujours est-il que la beauté esthétique et toute romantique, si je puis dire, sans suggérer d'emblée les travers de cet adjectif, m'a complètement séduite. Je suis venue pour Noureev, et la splendeur qui m'a été offerte ne m'a pas déçue.

Forsythe enfin. Forsythe, cela fait un moment que j'en entends parler, que je lis des revues dans le Monde sur certaines de ses productions, et qu'il me tente et m'attire. Ce fut mon premier contact réel avec lui. Son ballet est très particulier, surprenant, on a l'impression d'abord de surprendre une séance d'échauffement ou de répétition pour les employés d'aéroports qui guident les avions sur la piste, dans une fausse lumière jaune assez troublante. Puis le rideau descend. On se dit tiens... panne ? Artifice de Forsythe ? Il remonte, on reprend un autre tableau, puis ça recommence. la fatigue aidant, évidemment, on a beaucoup rit - surtout en entendant les pas des danseurs cavalant à l'autre bout de la scène, et on a peur que ce soit un moyen un peu facile de créer de l'effet à peu de prix. Mais il n'en est rien, et avec le recul aussi, j'aime beaucoup la poésie de ce rideau noir qui descend à toute vitesse sur une danse en train de se faire, et se relève sur un autre tableau, jour - nuit - jour- nuit, tranches de vie surprises, avec la danse qui continue en dépit de tout derrière, jusqu'à reprendre ailleurs. Elle nous attendait pour recommencer, comme un rendez-vous décalé. Contrairement aux deux autres, ce ballet n'avait pas l'accompagnement de l'orchestre, mais lors de la seconde partie, un excellent pianiste (hier soir en tout cas c'était un homme), est venu nous captiver par une musique absolument envoutante. Le rideau s'est relevé sur des danseurs en vert eau, pour une séquence subtilement différente, avec toujours ces effets de bras très spectaculaires, pensez-vous, vingt ou trente danseurs bougeant à l'unisson, et ses claps les ponctuant. La musicalité des mouvements était extrêmement saisissante. Elle semblait réellement vécue, et non simplement ornée comme elle peut l'être, c'est ce qui m'a le plus touchée dans ce ballet-ci, la musicalité de la deuxième partie, et même fatiguée, même avec l'envie de rentrer m'ensevelir confortablement dans un fauteuil, j'étais tendue par le rythme, les notes, le charme au sens fort, de cette deuxième partie qui à la fin du compte, m'a vraiment semblé filé. Je serai désormais aux aguets pour une prochaine occasion de voir un ballet de Forsythe.

Ci-dessous, les détails de ces trois œuvres, empruntés au site de l'opéra Bastille.
Photo du ballet de Balanchine.

Les Quatre tempéraments

Musique Paul Hindemith
Chorégraphie George Balanchine

Raymonda (extraits)

Ballet en trois actes
Sujet de Lydie Pachkoff et Marius Petipa

Musique Alexandre Glazounov
Chorégraphie Rudolf Noureev
d’après Marius Petipa (Opéra national de Paris, 1983)
Décors et costumes Nicholas Georgiadis

Artifact Suite

Musiques Johann Sebastian Bach, Eva Crossmann-Hecht
Chorégraphie, décor, costumes, lumières William Forsythe
Piano Margot Kazimirska

dimanche 30 mars 2008

red dream


She did not light the cigarette - she never did during class sessions - but she held it between her long white fingers, with their tomato-red nails. Suddenly, she noticed our silence and, like a child caught stealing a chocolate, she looked at her unlit cigarette and crushed it in the ashtray with a disarming smile.

How do you get away with those nails ? I asked her, to change the subject. I wear gloves, she said. even in summer I wear dark gloves. Polished nails, like make-up, were a punishable offence, resulting in flogging, fines and up to one year imprisonment. Of course they know the trick, she said, and if they really want to bug you, they'll tell you to take off the gloves. She babbled on, talking about gloves and fingernails, and the she came to a sudden halt. It makes me happy, she said in a thin voice that did not suggest any trace of happiness. It's so red it takes my mind of things.

"Off what things ?" Nassrin asked, gently for once.

"Oh, things. you know." And then, she burst into tears. we were startled into silence. Manna grudgingly, with an obvious attempt to resist Azin's tears, passed her the box of tissues. Mashid recoiled into her shell, and Nassrin leaned forward, her hands locked together in a ferocious grip. Yassi, who sat closest to Azin, leaned towards her, gently pressing her right shoulder.


Un passage d'un de mes livres fétiches, Reading Lolita in Tehran. Il vient de la section consacrée à Pride and Prejudice, le livre d'une société où les petits détails cachaient un abîme de sens. Parce que seuls les détails peuvent passer inaperçus dans une société très soucieuse de son décorum. Les détails, les plus petites choses, celles où l'on peut cacher le plus de sens, celles aussi où on peut parfois se laisser aller à exprimer une forme de liberté. D'une certaine façon, c'est bien ce dont il est question ici, d'une certaine forme de liberté dans un régime qui n'en autorise aucune a priori. Azin, si elle est surprise à vernir ces ongles de ce rouge scandaleux, risque les coups et la prison. Or les ongles, les ongles, c'est minuscule, qui, dans notre société, remarque les ongles ? certes, on les voit s'ils sont vraiment beau où vraiment laid, mais... on peut se promener avec du vernis écaillé, ça ne choque personne. là-bas, des ongles faits... c'est presque une révolution.

Et cette petite transgression est savoureuse, elle a le goût des plaisirs interdits - un enfant surpris à voler du chocolat. C'est une petit cadeau de soi à soi, prendre soin de soi est important, et, aussi, c'est montrer qu'une part du corps résiste, c'est un choix complètemnet conscient et aussi assumé que possible, certes, c'est interidit, mais voilà, mes ongles sont une partie de moi, et je choisis ce que j'en fais.

L'autre pendant de ces ongles vernis, c'est l'ouverture vers un autre monde. Regarder ses ongles détourne son attention du présent dans lequel elle se trouve, en les regardant, elle peut oublier dit-elle, éviter de penser. Comment cela fonctionne-t-il... ? elle a des ongles parfaits, soit longs, réguliers, et au vernis impeccable. Cette image, microscopique presque de la perfection suffit à ravir l'esprit. La perfection est si rare, si inaccessible, que sa contemplation ne manque jamais de la ravir dans une forme de fascination muette. C'est sa paix de l'esprit. Cette fascination muette devant ses ongles. Et les mains bougent, font des signes, dessinent des symboles, regarder ses ongles rouges évoluer de la sorte est hypnotique. C'est le divertissement dans toute sa splendeur.

Avis aux détracteurs de la "superficialité", elle n'est pas toujours vaine. Comme le masque, l'apparence, ce qu'on donne à voir doit toujours interpeller quant à ce qu'on donne à cacher, l'ailleurs, l'autre face. C'est toujours un ensemble de signes qu'il convient de déchiffrer, selon deux lectures possibles, l'une, superficielle... l'autre symbolique. Vers quoi cela fait-
il signe ?
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

traduction :

Elle n’alluma pas la cigarette – elle ne le faisait jamais durant nos cours – mais elle la tient entre ses longs doigts blancs, aux ongles rouge vif. Soudain, elle remarqua notre silence, et comme une enfant pris en train de voler un chocolat, elle regarda sa cigarette éteinte et l’écrasa dans le cendrier avec un sourire désarmant.

Comment fais-tu avec des ongles pareils ? Je lui demandai, pour changer de sujet. Je porte des gants, dit-elle. Même en été, je porte des gants foncés. Des ongles manucurés, tout comme du maquillage, étaient une effraction digne susceptible d’être punie par des coups de fouets, une amende et jusqu’à un an de prison. Evidemment, ils connaissent le truc, et s’ils veulent vraiment vous coincer, ils vont vous demander d’ôter vos gants. Elle continua à bavarder, à parler de gants et d’ongles, puis elle s’interrompit brusquement. Cela me rend heureuse, dit-elle d’une voix faible qui ne suggérait aucune trace de bonheur. C’est tellement rouge que ça détourne mon attention de ces choses.

- « de quelles choses ? » demanda Nassrin, d’un ton pour une fois doux.

- « oh, de choses. Vous savez bien. » Et sur ces mots elle fondit en larmes. Nous nous

tûmes, interloquées. Manna, à contrecoeur, dans une tentative évidente pour résister aux larmes d’Azin, lui passa la boîte de mouchoirs. Mashid rentra dans sa coquille, et Nassrin se pencha en avant, ses mains soudées étroitement soudées l’une à l’autre. Yassi, qui était elle assise au plus près d’Azin, se pencha contre elle, lui pressant gentiment l’épaule droite.

mercredi 12 mars 2008

invitation

... à vous rendre sur le blog de mon amie Hisel (colonne de droite), déjà, parce qu'il est excellent ! et en plus, parce qu'elle a fait un article intéressant et rigolo sur le métro, auquel j'ai répondu en commentaire, ce qu'elle a récupéré pour un nouvel article. bonne surprise d'ailleurs.
allez voir, c'est drôle et elle a une très belle plume !

vendredi 22 février 2008

Plus de tango !

Qui a dit que je serai frustrée du tango ce soir juste parce que je ne peux pas aller danser... ?
petit commentaire d'un tango pour le moins hors du commun... du coup, bien sûr, on aime ou on n'aime pas.... regardez plutôt :

http://www.youtube.com/watch?v=q4zeyMq1q7s&feature=related

Bien !
C'est du "tango nuevo", assimilé tel, non pas par les pas... orthodoxes ici, mais davantage par le style et... Gorillaz... (et la tenue pour le moins sexy de la belle Mariana).

Les puristes hurlent à ce moment-là parce que ça ne correspond pas à l'image qu'on a traditionnellement du tango. Il est vrai que ces partis pris peuvent choquer.

Au-delà de cela, ce qui est particulièrement intéressant sur cette vidéo, c'est qu'au vu de la tenue de Mariana, on ne peut pas ne pas regarder ses jambes tout le temps, il doit y avoir une loi organique, quelque chose, le contraste des couleurs, le regard est mesmérisé quoi qu'il en soit. cela permet de voir la précision extrême de ses pas. Ils ne font rien de particulièrement difficile en soi... mais ils le font avec une précision chirurgicale que je trouve relativement impressionnante tout de même.

De plus, Gorillaz a cela de pratique qu'il faut être sourd ou complètement obtus pour ne pas entendre le rythme : tam... tamtamtaaamtam-tam...tamtamtaaaamtam... c'est quarante fois plus simple que sur une chanson de tango où le ryhtme est plus subtil, plus fondu dans le corps des instruments. il domine ici, pour un peu, c'est le coeur de la chanson. il n'en reste pas moins qu'il est composé de temps et de contre-temps... cela permet d'observer le jeu dont ils sont l'objet en tango, et qui en fait tout le sel, la beauté, la complexité, et la difficulté extrême. Sébastian marque parfois le temps, parfois le contre-temps, ce qui donne une alternance de pas lents, avec des pas brefs, rapides. Mariana n'a aucun moyen de savoir quand il va suivre l'un ou l'autre... c'est là tout le talent du guidage (et de l'écoute pour elle...). et c'est ce qui fait que la danse qu'ils improvisent ici, qui a l'air de rien parce qu'au niveau des figures, elle est relativement accessible, pas aux débutants, mais aux danseurs intermédiaires... se révèle en fin de compte d'une grande complexité.

D'où le paradoxe de la critique qu'on peut souvent voir de ces partis pris "nuevo", on dévoie le tango... certes, musicalement peut-être, mais... il n'y perd rien, la quintessence la danse est toujours là. Il n'y a pas basculement dans la facilité. La danse qu'ils font reste une danse difficile, accessible uniquement aux bons danseurs parce qu'elle est extrêmement subtile. c'est une danse libre, de création pure... alors certes, on connaît les figures (on, les femmes qui doivent suivre le guidage, on, les hommes qui guident des figures ouvertes où la femme choisit la sortie et ils s'adaptent...), mais on ne sait pas forcément quand, on ne sait pas quel va être le rythme dominant, le changement de rythme se fait sur un pas, sans préavis, parce que c'est fondamentalement une danse d'improvisation. d'où sa réputation méritée - certes, ça me fait plaisir de dire cela... mais j'en ai fait et j'en fais encore parfois largement les frais... - de danse de couple la plus difficile...

Mais quel sentiment d'accomplissement... ! Que de création... ! Que de beauté ...! Que de plaisir !

Vivent les Troyens

Avis à ceux qui se font polluer par les pubs quand ils affichent mon blog... du genre une petite fenêtre pour un site de vente et d'achat aux enchères bien connu sans petite croix pour la fermer, qui ne peut se réduire, et qui ont aussi toujours, au moindre clic, une autre page du navigateur qui s'ouvre sur un autre site de vente par correspondance ou autre... il y a plus efficace que adblock... !
j'ai découvert que j'avais un troyen niché bien au chaud sur mon laptop. mon antivirus l'a mis en quarantaine, pendant que je cherchais le moyen de le bouter hors de chez moi. c'est chose faite. et du coup, divine surprise, plus de pub ici... alors que ça doit faire 6 mois que j'en avais, et une journée que j'avais ce troyen. allez comprendre.
le doux nom de cet hôte indésirable est trojan horse Navi Promo. b sans les espaces. donc si votre antivirus vous le signale...
pour s'en débarasser. soit vous googlez navipromo. soit vous cherchez directement un logiciel GRATUIT (et ça c'est pas une synécure...) qui s'appelle navilog1, que vous installez. les instructions sont très détaillées sur la page que propose google. vous lancez la recherche,il vous dit quels fichiers sont infectés. vous relancez le programme pour désinfecter. vous redémarrez. vous vérifiez qu'il n'y a plus personne. vous désinstallez navilog. vous allez sur votre navigateur, outil/option/contenu/certificat (ou autre, dépend des navigateurs), pour voir les sites autorisés à afficher des fenêtres popup. le site où vous téléchargez Navilog vous donne la liste de ceux à bannir. et après, si vous êtes encore vaillants..., vous relancez votre antivirus pour voir s'il n'y a plus personne.
et après... Home Sweet Home...
étrangement, votre cher ordinateur plantera beaucoup moins, se remettra en veille... tout sera comme avant...

lundi 11 février 2008

On Chesil Beach


Je n'avais absolument pas l'intention d'acheter de roman anglais ce jour-là en me promenant dans ma librairie favorite... mais j'aurais dû savoir à quoi m'attendre... hélas la chair est faible et je n'ai pas lu tous les livres. Certainement pas le dernier Ian Mac Ewan en tout cas - Atonement, vous vous souvenez, connu aussi sous le nom d'Expiation en frs, et de Reviens-moi en film, avec la jolie Keira Knightley, que je ne suis pas allée voir par contre....

Bref, me voilà face à ce livre, court en plus, et là, je sais que ce n'est pas la peine de lutter, donc je l'achète... autant faire simple, ça m'évitera d'y retourner dévorée d'impatience dans la journée ou la semaine. l'acheter, c'est le sortir de ma tête. j'ai réussi à l'oublier - j'avais malheureusement à faire - jusqu'à aujourd'hui... et là, sur mon lit, paresseusement allongée, j'ai pu me laisser aller au plaisir de suivre la jolie plume de Mac Ewan.

Comme dans Atonement, sa plume est faite d'aller retour, confrontation des points de vue des personnages, mais pas nécessairement des mêmes scènes revues et rejouées, non, ce n'est pas cela, c'est davantage comme entendre un couple tour à tour nous confier ses problèmes, ils ne mettent pas forcément l'accent sur les mêmes choses, ni de la même façon. Car c'est bien d'un couple dont il s'agit, un jeune couple, ils se sont mariés le matin, ils ont 22 ans, ils sont à l'hôtel, tous les deux vierges et c'est leur nuit de noce. ce sont des gens de bonne famille, ils croient plus de choses qu'ils n'en savent réellement. et le désastre auquel cela aboutit, sa préparation et ses conséquences permet à l'auteur de creuser au cœur de leur relation. de leur amour. leur rencontre, tous ces petits moments qui, ces petites choses qui, vus des deux points de vue, particulièrement de celui du jeune marié. On ne peut s'empêcher d'être touché, vraiment, par la détresse de ces personnages. l'humiliation du marié, la détresse, la tristesse et la panique de Florence, jeune oiseau effarouché complètement frigide qui s'envole à la première catastrophe. on a de la compassion pour eux, et aussi ce petit regard - ils sont bien gentils... qui vient de ce que nous qui savons nous apitoyons sur les errances de ce couple, complètement à côté de la plaque... c'est si peu de chose. et oui, mais pas pour eux. pour eux c'est autre chose, pour eux c'est bien plus et ça remet tout en question... toute leur relation se fait la chambre d'écho de leur chambre à coucher, et ça, ça quand le sexe aujourd'hui est si facile et veut parfois dire si peu, même si on les regarde en souriant de s'y prendre si mal... ne peut que toucher et insinuer une petite pointe d'admiration pour une telle pureté et intégrité de sentiment.

Alors ce livre, je ne sais pas trop quoi en faire... vraiment pas, je ne sais encore ce qu'il veut me dire... un livre, quand on le lit, on s'arrange toujours pour le faire entrer en résonance avec notre propre vie en s'émerveillant comme surpris après de ce qu'il était pile le livre qu'il nous fallait à ce moment là. je réfléchis vers ce qui m'y a poussé et je doute... nostalgie de la bonne éducation d'avant, quand le sexe avant le mariage était proscrit... certainement pas ? peut-être plutôt une certaine tendresse pour l'innocence de ces personnages quand aujourd'hui, si on y réfléchit, on est dans une société où il faut assurer. il n'assurent pas, et c'est pour ça qu'on les aime... qu'il nous touchent. leur innocence est belle, et en rire ou en sourire me donne la vague impression d'être rouée...

Mais je divague, l'intérêt du livre, vraiment, avant tout, c'est la peinture de ces petites choses, la façon dont l'auteur creuse à l'acide ce qui fait la nature même de leur affection l'un pour l'autre... après, on aura le droit de réfléchir à l'importance du sexe dans une relation, obsédés que nous sommes, mais d'abord, un peu de poésie...


Tiens allez, j'ajoute une critique anglaise que je trouve excellente...
Etrangement, pour elle, Mac Ewan, c'est le romancier des moments clefs, comment un moment fait basculer une vie. oui, certes, il est complètement cela. mais ce qui m'a frappé chez lui, c'est la façon dont il montre dont toute la vie entre en résonance avec ce moment. Tout l'avant, toute la perception qu'on en a, tout l'après... j'aime les fenêtres sur d'autres moments qu'il ouvre autour d'un instant.

Is life a series of little moments, or is it shaped around one or two colossal moments? Ian McEwan evidently believes the latter for in much of his fiction, he writes about the power of one definitive moment in the lives of ordinary people. Saturday revolves around a random car accident and its unforeseen effects in a post 9/11 world. Atonement explores the impact of a seemingly unimportant incident and its far-reaching effects during World War II. His new novella, On Chesil Beach examines a missed opportunity between two lovers in early 1960s England.

McEwan has a remarkably distinctive voice. His narratives move feverishly forward, cutting between the past and present. His writing is spare and lyrical, confident though subtle. But what is most affecting about his work, further illuminated by his recent novella, is what he is able to do with this big moment. When it is presented to his characters, the judgments they render give a clear picture of a specific era, and ultimately, of the whole civilization to which they belong.

On Chesil Beach is about one night in England in July 1962, "a time when conversation about sexual difficulties was plainly impossible." It echoes the first lines of Philip Larkin's oft-mentioned Annus Mirabilis: "Sexual intercourse began/ In nineteen sixty-three/ (which was rather late for me) – /Between the end of the Chatterley ban/ And the Beatles' first LP." Two young virgins, Edward Mayhew and Florence Ponting, are finally alone on their wedding night. They sit straight-backed in their chairs at an oppressively formal dinner, move food around on their plate, listen helplessly to the news. They are individually preoccupied with visions of the ensuing sexual act, though they dare not voice anything. "Edward and Florence- free at last!" McEwan proclaims in the opening pages. But clearly, they are not.

They meet the summer after graduating university- he studied history and she studied violin- and for Edward, it is love at first sight. Their ritualized courtship advances slowly; thankfully, McEwan tells you this outright in a few sentences. Their half-realized love grows, but McEwan only illustrates this in a few short scenes. It takes until the end of the book to be convinced they are genuinely in love, and if there is a flaw, it is that the period detail doesn't leave enough room for the emotions of his characters. Of course, this is precisely his point.

The differences between the two abound. Edward is from an unconventional, middle class family; Florence is from a frigid, aristocratic family. Edward likes rock and roll; Florence enjoys classical music. Edward is desperate to have sex; Florence is disgusted with it. And herein lies their big problem. Whenever Edward tries to kiss Florence, she recoils. When he unzips his zipper, she considers it impolite. The marriage proposal comes after Florence removes her hand from a suggestive position, and Edward, in a state of ecstasy and excited expectation, can bear it no longer. Throughout, their rift perpetually grows larger: his lust, her revulsion, his sexual frustration, her claustrophobia.

"Why were these lovers in a modern age so timid and so innocent," McEwan asks at the beginning of the second part. He asks again, later, "what stood in their way?" And this time he answers it directly, "their personalities and pasts, their ignorance and fear, timidity, squeamishness, lack of entitlement or experience or easy manners, then the tail end of a religious prohibition, their Englishness and class, and history itself."

On Chesil Beach is primarily a period piece of a young couple living on the cusp of the 60s rebellion. The question was never if their relationship could have worked. "Social change never proceeds at an even pace," McEwan writes. We are all products of our time and our culture; Edward and Florence are no exception. They are born when it is still uncertain whether they will speak German or English and though the anti-bomb rallies in Trafalgar Square have begun, they are a few years too early to be a part of the social upheaval. Their love is tainted by the constraints of their era, an era that obscures, casts shadows, and limits possibility.

What they can never speak of is that he masturbates frequently and has a secret thrill for bar fights. Or that she suffered a vaguely incestuous relationship with her father and abhors sexual touch. Or that he has a brain-damaged mother who has been kept isolated from the rest of town, and that he never knew what was wrong with her until he was fourteen because he never asks. Necessary conversations, particularly between two people with such troubled histories, cannot exist within the boundaries allowed by their society. The intrinsic chaos of human relationships is kept in line by formal dinners, slow walks on the beach, headbands, and tennis matches. They are condemned to the conventions of English propriety. McEwan makes it obvious to everyone but the couple themselves, that their problems "were already present in those first few seconds, in their first exchange of looks." This decade was not for them.

The finale takes place on Chesil Beach after the worst has come true in the bedroom. The chords strike large and this is McEwan at his best, writing sentences that could practically be sung. Edward's big moment is in the form of a conversation, and he doesn't know what to do with it. Though both Edward and Florence begin to break down barriers of English propriety, they are the wrong ones. They fight, but unaccustomed to such openness, it is almost as if each is acting only for themselves and in the name of their new freedom of expression, reckless to say anything to exercise it, unaware of the consequences. They walk away broken and spend their lives apart. McEwan has much sympathy for them because love could never conquer their times. There is also empathy to be felt, because to empathize with them is to feel a universal agony of restraint, restraint of which Edward and Florence, tragically, are old pros. The epithet? "This is how an entire course of a life can be changed- by doing nothing."

It is interesting to think about how their relationship would have played out in July 2007. Today. lustful passion is easily acted out between the sheets, but declarations of love are abundantly harder. The modern love story seems to be a mirror image of Edward and Florence. Is this where our tragedy of lovers lies? That we live in an era when, if a big moment presents itself, the timid, quivering love, waiting to surface, to be declared, gets squashed by two lovers having a romp around the sheets.

-Katherine Ryder

smallswordsmagazine.com


mercredi 16 janvier 2008

Narnia et la catharsis


C'est paradoxal, et en même temps si logique... On peut passer ses journées à travailler sur la catharsis et en oublier que c'est quelque chose de très concret, que c'est plus qu'un de ses nombreux concepts qu'on passe son temps à manipuler en littérature. On peut en oublier que la littérture est fichée dans la vie, ancrée dedans, et qu'elle n'est pas que mots creux, complètement détachés de la réalité. Que la fiction est ce qui est le plus proche de la réalité...

Je travaille beaucoup en ce moment, et mon temps libre, le peu que je prends, soit je le passe à danser, soit à parler avec mes proches, soit à lire le journal... et j'en oublie l'essentiel, je suis une littéraire et je ne prends plus le temps de lire et d'aller au cinéma. De rester au contact de ces formes sur lesquels je travaille... ! Depuis un moment il y a un film que je dois voir, et pour une raison ou pour une autre, je retardais, je ne prenais pas le temps, c'est tellement dur de se dire de prendre du temps pour faire quelque chose d'aussi gratuit que regarder un film quand on a plein d'autres choses à faire qui elles, n'engagent pas que vous, ne sont pas juste que pour vous, et que donc vous faites nécessairement toujours passer avant ce qui est juste pour vous. Pour soi on prend rarement le temps. Et quand on est déprimé, moi en tout cas, j'ai encore moisn envie de faire quelque chose pour moi, encore plus envie de travailler pour pouvoir me retourner avec fierté sur ma journée le soir...

Néanmoins, aujourd'hui, j'ai commencé à regarder Narnia. Et bien c'est juste génial. C'était une très bonne idée de manger lentement, de juste regarder ce film, comme ça, sans rien faire d'autre, en acceptant de "gâcher" ce temps... Et ça m'a permis d'éprouver le caractère cathartique de la fiction, que j'avais complètement oublié. Évidemment, si je m'en étais souvenue, je me serai mise devant un livre ou un film bien avant... ! Ce qui me permet de replonger dans la base de la catharsis aristotélicienne, version G. Forestier... le principe de la tragédie grecque, envisagée comme spectacle, c'est de poser un public devant une histoire, qu'on lui raconte, mettant en scène des personnages dignes d'admiration, ni trop bons ni trop mauvais, auxquels il arrive un grand retournement de situation, passage d'un grand bonheur à un malheur extrême, d'une situation malheureuse à un grand bonheur (on oublie, mais ça marche aussi dans ce sens, la catharsis, c'est juste très rare...). Le principe, c'est que le spectateur, non pas nécessairement s'identifie, mais se reconnaît, reconnaît des choses à lui dans ce roi, dont il voit la vie, et compatit. Il est saisi de pitié devant son sort, d'effroi devant l'idée que le sort pourrait tout aussi bien le toucher. Il projette donc ses émotions en l'autre, et par cette projection, vit une purge des siennes. C'est très efficace, c'est ce qui fait pleurer devant Titanique..., et surtout ça fait du bien parce qu'on sort du spectacle comme neuf. On n'a pas oublié ses problèmes, non, mais ça va mieux, ils sont mis à distance car pendant un moment, on est sortis de nous même. Là où le 17° siècle se plante, c'est quand il pousse à l'extrême la règle de la vraisemblance, il faut que le temps de l'action dure le temps de la représentation, une seule pièce (chambre) sur scène, on doit vraiment avoir l'impression que cela se passe sous nos yeux. Sauf que, on verrait sous nos yeux Horace tuer sa soeur, chez Corneille, on serait probablement au choix en train de vomir ou évanouis.. Ou encore d'hurler, ça dépend des tempéraments. Ça, c'est l'apport de Forestier. Aristote avait très bien compris qu'on avait pas besoin de croire vraiment se dérouler sous nos yeux la mort d'Andromaque pour qu'on compatisse, qu'on se projette dans l'action, que la pièce nous fasse vivre autre chose... On est tout à fait capable de se représenter, de s'imaginer.

Cela me renvoie au propos de quelqu'un disant "ah moi j'aime pas les fictions, je préfère les histoires vraies, au moins ça m'apporte quelque chose dans ma vie". J'avais répondu ironiquement que sans doute était-ce parce que la jeune personne n'arrivait pas à concevoir le sens symbolique de la fiction... C'est ce qui est merveilleux dans la fiction, elle parle de nos vies, les films et les livres fantastiques parlent de nos vies, et de façon sans doute plus juste et plus efficace que certains partis pris réalistes. Parce qu'ils passent par le chemin de la parabole, du sens symbolique. Ils détournent notre attention pour mieux nous parler de ce que l'on ne voit pas d'habitude et qu'on refuserait peut-être d'aborder si on y était confronté...(ce n'est pas pour rien si les Anciens élaboraient des mythes pour répondre à leurs questions... !!!) La fiction est rusée, elle prend des chemins détournés, et au final, elle nous en a fait comprendre, l'air de pas y toucher, bien plus sur nos problèmes, sur notre vie, nous aura purgé en plus, qu'un reportage d'une immédiateté peut-être un peu lourde. J'avoue que j'ai un parti pris contre les reportages par contre... je n'aime pas leur exigence d'adhésion (non pas à leur propos, mais ils requièrent toute notre attention et ça m'énerve parce que je suis un être dissipé qui se concentre très difficilement... donc pour moi, c'est un genre trop contraignant).

La leçon de Narnia, aujourd'hui, du début, je précise, je n'en suis qu'à la rencontre avec le couple de castors... c'est précisément la question de la foi en une histoire... de l'acceptation, on accepte de jouer le jeu pour découvrir un univers autre, on lâche un peu de lest avec le concret pour aller un peu plus dans le symbole, parce que déjà, c'est très fertile pour l'esprit, et j'ai toujours tendance à considérer que celui travaille bien plus efficacement en rideau, quand on fait autre chose en même temps, que directement appliqué à la chose. Exemple, mes plans d'analyse, ce n'est pas en contemplant ma feuille blanche que je les fais mais en dessinant, années après années toujours la même chose, une rose des vents. En cherchant le très parfait, l'angle juste, je n'ai pas le trac pour trouver une solution, l'argument parfait, et mon esprit peut tranquillement se colleter au problème sans la pression... Regarder un film, c'est la même chose, on distrait l'attention pour que l'esprit travaille mieux derrière, et après, on est tout content, car outre avoir passer un bon moment, on est aussi plus riche en sortant...

dimanche 13 janvier 2008

Du neuf !

Deux sites très intéressants de deux amies dans les favoris. L'une a une très belle plume et offre une plongée dans un univers un peu autre, l'autre beaucoup d'humour et un solide bon sens si réconfortant. Toutes les deux une vaste culture...
Enjoy... !