Passe en ce moment Au City Festival Theater d’Edinburgh. Il vaut bien le déplacement.
Il est divisé en trois tranches temporelles, l’Italie des années 30, 50 et 90. La première correspond à la rencontre des amants, à la légèreté – quoi que la tension entre les deux clans soit déjà bien là. La seconde à leur union, et à la mort de Mercutio. La troisième, bien plus courte et plus difficile à identifier, vu qu’il n’y a qu’un entracte entre les années 30 et 50, correspond à la mort des amants. C’est censé montrer combien leur histoire est intemporelle et peut s’inscrire n’ importe où, ni’importe quand. Certes. Je n’ai pu m’empêcher, cependant, avec les robes (magnifiques), de trouver à tout le ballet un petit côté West Side Story, pas déplaisant finalement, mais pas nécessairement pertinent non plus – surtout quand c’est pendant la fameuse scène du balcon que cela me vient à l’esprit.
Esthétiquement et chorégraphiquement parlant, il est très beau. Les deux clans ont chacun leur langage chorégraphique. On notera la performance de Mercutio, absolument fabuleuse. Il attirait d’autant plus l’œil que son danseur est noir, habillé tout de blanc, d’une belle musculature ; rendant le contraste avec les Capulet, tout en noir, fins et longs, d’autant plus saisissant. Néanmoins, l’identité de chaque clan était représentée de façon peut-être un peu surprenante, dans la mesure où à les regarder, par les costumes, et par leur interactions avec les Montaigu, on en ressort avec l’impression que les Capulet sont en fait ces militaires de carrière, sans sens de l’humour, qui se prennent trop au sérieux, eux, leur race, leur clan (dans l’Italie des années 30, je n’ai pu m’empêcher de me demander si on était censés les voir comme les méchants fascistes…), face à la fraicheur et à la légèreté des Montaigu. On a vite fait de les relire en « bons » et « mauvais ». Les morts, néanmoins, mettant les deux clans sur le même pied, viennent corriger cette impression. L’esprit de clan, chez les Capulet, était également souligne par le couple aux allures régales des parents de Juliette. Autorité, élégance, intelligence, mais aussi dureté se dégageaient de leur danse. A travers eux, on sentait également l’opposition entre l’ancienne société des castes, dont ils sont les derniers représentants, intemporels, et les Montaigu, vivante famille joyeuse et blagueuse où tous sont égaux. La mère de Juliette est peut-être la plus belle prestation de ce ballet, sa danse est magnifique, et son costume parfait, une belle robe noire, longue, ample, brillante comme une nappe de pétrole qui rend impossible de détacher les yeux de la danseuse, des qu’elle entre sur scène. Sans compter l’autorité qu’elle dégage avec son mari. Elle commande l’attention. Et elle a un petit quelque chose qui m’a fait l’identifier, bien contre mon grec car cela n’a rien à voir, avec Narcissa Malfoy. Avec ce qu’on attendrait d’élégance, de grâce, de beauté, de possession de soi de Narcissa Malfoy. Bref, trop de références tue la référence…
Le couple d’amant, dans tout cela, pourrait être terne. Il ne l’était pas, il était adéquat dirais-je. Il a montré tout ce qu’on attend, d’innocence, d’amour et de poésie de Roméo et Juliette, mais sans plus. Et leur très belle mort, très bien dansée, très émouvante, m’a semblée quelque peu gâchée par le débarquement du reste de la troupe sur scène, en habits des années 90, quand on était encore suspendu a la douce tragédie qui venait d’avoir lieu sous nos yeux. Grosse rupture de ton, voulue évidemment tout comme le choix de ne plus différencier les deux clans, ni par les vêtements, ni par la danse, unis par la perte peut-être, ou le temps a usé les querelles. Toujours sont-ils que Roméo et Juliette ne reposeront toujours pas ensemble.
Nous avons eu la chance d’avoir un orchestre, et non un enregistrement, quoique son interprétation de la danse des sabres, au départ, si différente de ma version par Myung Wung Chun a presque gênée ma perception du ballet, tant j’ai été choquée de la différence. Puis la danse m’a portée, j’ai oublié et ce n’était plus si terrible. Le deuxième acte en tout cas, pour les passages les plus dramatiques, pour le duel, n’aurait certes pas eu le même effet sans les cuivres et les percussions de l’orchestre. Cela fait du tout une belle expérience – spécialement pour Mercutio et la mère de Juliette.
http://www.youtube.com/watch?v=xRCKWWmGBbI
(je précise, hier soir la mere de Juliette etait blond tres pale)