après le fiel le miel, pour compléter la satire...
Une grande dame
Belle " à damner les saints", à troubler sous l'aumusse
Un vieux juge ! Elle marche impérialement.
Elle parle - et ses dents font un miroitement -
Italien, avec un léger accent russe.
Ses yeux froids où l'émail sertit le bleu de Prusse
Ont l'éclat insolent et dur du diamant.
Pour la splendeur du sein, pour le rayonnement
De la peau, nulle reine, ou courtisane, fût-ce
Cléopâtre la lynce ou la chatte Ninon,
N'égale sa beauté patricienne, non !
Vois, ô bon Buridan: "c'est une grande dame !"
Il faut - pas de milieu ! - l'adorer à genoux,
N'ayant d'astre aux cieux que ses lourds cheveux roux,
Ou bien lui cravacher la face, à cette femme !
Je pense que c'est bien là mon poème favori de Verlaine, pour différentes raisons que je vais essayer de résumer rapidement.
La première fois que je l'ai lu, je devais avoir onze ans, peut-être moins, et évidemment, petite fille qui se rêve princesse, je l'ai pris au premier degré et j'ai voulu devenir cette femme, cette aristocrate en exil, peut-être une imposture d'ailleurs, qui sait, mais à l'époque, je ne pensais pas à cela. Je pensais à ces femmes, ces dames qui passent majestueusement au milieu d'un groupe et tout le monde se retourne sur elles, sur leur parfum, la trace que le parfum de certaines femmes laisse derrière elles m'a toujours fascinée. et naturellement, je voulais être l'une d'elles, je voulais être Méduse. L'imparfait n'a ici de sens que dans la mesure où depuis j'ai mis un peu de sens de l'humour et de dérision entre ce désir et moi, il ne m'a pas quitté pour autant. il faut en jouer cependant, car il ne peut être vécu au premier degré.
c'est là où le poème de Verlaine décolle et me fascine, évidemment, je n'ai compris cela que bien des années plus tard, quand j'ai eu les outils de pensée pour le comprendre, que ce poème était un blason réunissant tous les clichés possibles et imaginables. ce qui déplace le portrait de la réalité au regard du narrateur. on ne sait pas comment elle est, elle n'est pas forcément belle en fait, mais lui, utilisant ce qu'il a à portée, un ensemble d'expressions déjà toutes prêtes, toutes faites, la décrit ainsi, mieux, la rêve ainsi... ce n'est donc pas tant la réalité de ce qu'il voit que son imaginaire qui nous est ici montré. ce sont les géants - moulins à vent de Don Quichotte si on veut. La comparaison ne s'arrête d'ailleurs pas là.
Le poème, comme Don Quichotte, comme Rabelais, comme tant d'autres réfléchit sur le signe, sur le jeu des apparences et des illusions. ce qu'on a là, c'est un portrait auquel les clichés essaient de donner valeur d'autorité. elle est belle, sa beauté est divine, il nous fait l'adorer. c'est le premier sens, le plus grossier, et le plus faux sans doute, mais on en a besoin pour construire le second. le second est donné par le dernier vers, "ou lui cravacher la face, à cette femme", la dame retombe en femme, et au fond, elle n'est que cela, elle n'est qu'une femme avant tout. le reste, l'image, ce n'est qu'une construction, soit elle est réellement cette belle femme, et c'est elle qui construit son apparente beauté, qui code les signes pour donner cette image d'elle, soit elle ne l'est que pour le narrateur qui à la fin dépasse la fascination première, reprend le sens des réalités et se défait de l'illusion en ramenant la déesse au même niveau que lui. on brise une idole dans ce soufflet. et c'est ça qui est en jeu, se défaire des illusions, du prêt à penser, des vérités toutes faites.
en soit, ce sont des consignes de lecture que nous donne Verlaine, au premier abord, c'est joli, c'est beau, on est médusés devant la petite musique, elle nous hypnotise, mais il ne faut pas s'endormir là-dedans, il faut briser l'illusion pour voir derrière, cette femme n'en est pas moins belle parce qu'on se rend compte de la part d'illusion de sa beauté, ça n'y change rien, juste, notre regard est éclairé et peut jouer sur les différents niveaux. on n'en apprécie que mieux, peut-être, cette beauté, voyant la construction dont elle fait l'objet.
Moralité, un signe a plus d'un sens, il ne faut jamais prendre le premier, le plus évident, pour argent comptant. Et, capital, IL FAUT DE L'HUMOUR pour comprendre le monde, pour le déchiffrer, car seul l'humour, désacralisant, dédramatisant la chose, permet de la sortir de son globe de verre où elle était figée pour la malmener un peu en la soumettant à l'analyse. c'est la loi du vivant, les choses sont faites pour être utilisées, un peu bousculées, un monde glacé dans un seul sens, dans le premier degré, est un monde mort...
photo : Marcia Cross, la plus jolie rousse que j'avais sous la main - titre : bah, on oublie ses classiques...
Notre Dame de Paris... !
La première fois que je l'ai lu, je devais avoir onze ans, peut-être moins, et évidemment, petite fille qui se rêve princesse, je l'ai pris au premier degré et j'ai voulu devenir cette femme, cette aristocrate en exil, peut-être une imposture d'ailleurs, qui sait, mais à l'époque, je ne pensais pas à cela. Je pensais à ces femmes, ces dames qui passent majestueusement au milieu d'un groupe et tout le monde se retourne sur elles, sur leur parfum, la trace que le parfum de certaines femmes laisse derrière elles m'a toujours fascinée. et naturellement, je voulais être l'une d'elles, je voulais être Méduse. L'imparfait n'a ici de sens que dans la mesure où depuis j'ai mis un peu de sens de l'humour et de dérision entre ce désir et moi, il ne m'a pas quitté pour autant. il faut en jouer cependant, car il ne peut être vécu au premier degré.
c'est là où le poème de Verlaine décolle et me fascine, évidemment, je n'ai compris cela que bien des années plus tard, quand j'ai eu les outils de pensée pour le comprendre, que ce poème était un blason réunissant tous les clichés possibles et imaginables. ce qui déplace le portrait de la réalité au regard du narrateur. on ne sait pas comment elle est, elle n'est pas forcément belle en fait, mais lui, utilisant ce qu'il a à portée, un ensemble d'expressions déjà toutes prêtes, toutes faites, la décrit ainsi, mieux, la rêve ainsi... ce n'est donc pas tant la réalité de ce qu'il voit que son imaginaire qui nous est ici montré. ce sont les géants - moulins à vent de Don Quichotte si on veut. La comparaison ne s'arrête d'ailleurs pas là.
Le poème, comme Don Quichotte, comme Rabelais, comme tant d'autres réfléchit sur le signe, sur le jeu des apparences et des illusions. ce qu'on a là, c'est un portrait auquel les clichés essaient de donner valeur d'autorité. elle est belle, sa beauté est divine, il nous fait l'adorer. c'est le premier sens, le plus grossier, et le plus faux sans doute, mais on en a besoin pour construire le second. le second est donné par le dernier vers, "ou lui cravacher la face, à cette femme", la dame retombe en femme, et au fond, elle n'est que cela, elle n'est qu'une femme avant tout. le reste, l'image, ce n'est qu'une construction, soit elle est réellement cette belle femme, et c'est elle qui construit son apparente beauté, qui code les signes pour donner cette image d'elle, soit elle ne l'est que pour le narrateur qui à la fin dépasse la fascination première, reprend le sens des réalités et se défait de l'illusion en ramenant la déesse au même niveau que lui. on brise une idole dans ce soufflet. et c'est ça qui est en jeu, se défaire des illusions, du prêt à penser, des vérités toutes faites.
en soit, ce sont des consignes de lecture que nous donne Verlaine, au premier abord, c'est joli, c'est beau, on est médusés devant la petite musique, elle nous hypnotise, mais il ne faut pas s'endormir là-dedans, il faut briser l'illusion pour voir derrière, cette femme n'en est pas moins belle parce qu'on se rend compte de la part d'illusion de sa beauté, ça n'y change rien, juste, notre regard est éclairé et peut jouer sur les différents niveaux. on n'en apprécie que mieux, peut-être, cette beauté, voyant la construction dont elle fait l'objet.
Moralité, un signe a plus d'un sens, il ne faut jamais prendre le premier, le plus évident, pour argent comptant. Et, capital, IL FAUT DE L'HUMOUR pour comprendre le monde, pour le déchiffrer, car seul l'humour, désacralisant, dédramatisant la chose, permet de la sortir de son globe de verre où elle était figée pour la malmener un peu en la soumettant à l'analyse. c'est la loi du vivant, les choses sont faites pour être utilisées, un peu bousculées, un monde glacé dans un seul sens, dans le premier degré, est un monde mort...
photo : Marcia Cross, la plus jolie rousse que j'avais sous la main - titre : bah, on oublie ses classiques...
Notre Dame de Paris... !
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