vendredi 22 juin 2007

yet i would lose no sting...


bien, comme l'état de décrépitude avancé de mes genoux me cloue à la maison ce soir, c'est le moment de dépoussiérer un peu ce blog...

je me rends compte qu'il y a un oubli - pour moi - d'une note sur ce fragment d'un merveilleux poème d'Emily Brontë.

Poème puis remarques. Traduction trop longue pour ma paresse...




Silent is the house – all are laid asleep


“He comes with western winds, with evening’s wandering eyes,

With that clear dusk of heaven that brings the thickest stars;

Winds take a pensive tone, and stars a tender fire

And visions rise and change which kill me with desire-


Desire for nothing known in my maturer years

When joy grew mad with awe at counting future tears;

When, if my spirit’s sky was full of flashes warm,

I knew not whence they came, from sun or thunderstorm;


But first a hush of peace, a soundless calm descends;

The struggle of distress and fierce impatience ends;

Mute music soothes my breast – unuttered harmony

That I could never dream till earth was lost to me.


Then dawns the Invisible, the Unseen its truth reveals;

My outward sense is gone, my inward essence feels-

Its wings are almost free, its home, its harbour found;

Measuring the gulf it stoops and dares the final bound!


Oh, dreadful is the check – intense the agony

When the ear begins to hear and the eye begins to see

When the pulse begins to throb, the brain to think again,

The soul to feel the flesh and the flesh to feel the chain!


Yet I would lose no sting, would wish no torture less;

The more that anguish racks, the earlier it will bless;

And robed in fires of Hell, or bright with heavenly shine,

If it but herald Death, the vision is divine.”

Emily Jane Brontë, 1845

C'est l'histoire d'une jeune captive prisonnière qui raocnte à l'homme venu la délivrer - c'est une ballade -les rêves qui l'avaient et l'aidaient à supporter sa captivité. Tout d'abord, il est notable, pour ceux qui le connaissent, que le poème entretient une ressemblance du diable avec Erlkoenig de Goethe... le cavalier qui vient et ravi l'enfant, ravi dans tous les sens du terme et surtout le pire. ici, on a à faire à la même aphasie.

et je trouve, personnellement, que c'est une des plus belles façon d'écrire, l'air de pas y toucher, la petite mort. Elle nous fait passer cela pour un rêverie, une médiatation, l'esprit, libéré de ses fers s'envolent. mais si on y regarde de plus près... combien cela dure-t-il ... une strophe, quelques secondes, quels en sont les traits, l'absence perceptive au monde, la libération, l'envolée... le ravissement... pour mieux retomber ensuite...

elle ne parlerait pas tant de la chair, sans doute cela n'aurait-il pas retenu mon attention, mais elle dit tout de même ici que son âme elle-même vacille...

c'est magnifique non ?

et la façon dont la cavalcade s'sincrit, de vers en vers, par les rythmes dévalant vers la captive, jusqu'au ravissement, avant la retombée... et là encore, "if it but heralds death, the vision is divine"... la "vision" est présentée comme un simile de mort... que dire de plus...

toute la dernière strophe est magnifique en fait, une vraie déclaration, plutôt subir mille tourments que de renoncer à cet instant...

ce qui est d'autant plus frappant, c'est qu'il a été écrit par une jeune femme morte à 26 ans, et jamais tombée amoureuse, n'ayant jamais eu de courtisan.

on n'a pas fini de vanter le talent des Brontë.

mais ce poème là, vraiment, par sa subtilité, sa douceur et sa force, on sent la lande derrière, on voit le cavalier venir, et avec elle, on a ce moment digne des films indiens où on voit un court instant les pieds du personnage quitter le sol avec un sourire de ravissement sur son visage...

ça paraît trivial et si inapproprié, mais, clairement, ce poème fait planer...

4 commentaires:

Sébastien a dit…

Les commentaires donnent un peu de mou en ce moment, mais c'est que tu nous entraînes à de telles altitudes...

Il y a quelque chose de fascinant, chez les Brontë, que ce génie partagé par trois soeurs - ma préférence va bien sûr, et de loin, à Emily - qui émane d'une austère et insignifiante maisonnée et vient changer la face du monde.

Tout le meilleur pour tes genoux ! Même si nous devons quelques articles à leur fatigue...

Anonyme a dit…

Je n'ai absolument pas la même interprétation que Lénora de ce poème, mais comme personne n'a jamais raison en poésie...

Pour ma part, Emily n'est pas ma préférée, en tout cas pour ce qui concerne les romans. J'admire en revanche beaucoup ses poèmes.

Lenora a dit…

je serai curieuse de connaître ton interprétation ma Chère, ça peut être très intéressant, et l'esquisse d'un bon débat, non ? On en reparlera :-)

Anonyme a dit…

Pour moi, ce poème explore les limites entre la vie et la mort, c'est une fusion du moi et de la Nature causée par la souffrance et en même temps moyen de dépasser cette souffrance. Fusion des contraires, agonie et poésie, rêve et réalité. C'est à peu près tout ce que je peux dire, je trouve ce poème tellement beau que c'est presque un sacrilège pour moi de le commenter...