La couverture de ce livre de Tom Perrota laisse attendre un livre léger, drôle, décalé. Dès les premières pages il se montre tout différent. Il se présente comme l'histoire des déboires de Ruth, une divorcée d'une quarantaine d'années qui enseigne l'éducation sexuelle dans un collège de la côte est, et de Tim, divorcé, remarié, born again. Je m'attendais à quelque chose du ton de "Teeth", chroniqué ici l'an passé.
En réalité, Ruth manque de perdre son job pour refuser, par intégrité intellectuelle, d'enseigner aux gamins que la seule voie vers l'âge adulte et le mariage, c'est l'abstinence, et de faire à nouveau tomber la condamnation morale de l'église sur des actes naturels. À nouveau, même, "y penser", devient suspect. Tout commence, pour elle, quand une gamine lui demande son opinion sur les pratiques orales , selon elle équivalent à lécher une cuvette de toilettes. Ruth lui fait une réponse honnête, prudente, lui exposant les risques pour la santé, lui rappelle qu'elle seule doit décider dans ce genre de situation, et conclue par "some people enjoy it". Honnête. Sauf qu'évidemment, quand une église de born again vient d'ouvrir à côté, ça passe très mal, il aurait sans doute fallut menacer la petite des feux de l'enfer. Peu à peu un comité se constitue autour de Ruth pour l'aider, la conseiller. Peu à peu Ruth en devient malade d'être déchirée entre ses convictions personnelles, le sentiment qu'elle doit l'honnêteté à ses élèves, l'impression d'un grand retour en arrière balayant les acquis des années 1970, et le désir de garder son job pour ses deux filles.
Dont l'une, d'ailleurs, se découvre l'envie d'aller à l'église du coin. L'effet des amies qui y vont, et de cet entraîneur de sport, Tim, le born again, qui a la fin d'un match a voulu les réunir toutes en prière pour remercier Dieu de leur victoire... Tim est un ancien alcoolique et drogué, un guitariste de rock dont les excès ont fini par lui coûter son mariage, et la garde de sa fille. Depuis, il a trouvé Dieu. L'idée que Dieu lui pardonnait, qu'il n'était plus seul, que s'il replongeait, il décevrait Dieu l'a aidé. Il a rencontré un pasteur très impliqué dans le bien-être de ses ouailles, qui lui a fait rencontré la douce et très pieuse jeune femme avec laquelle il se remarie, mais qui se trouve vite d'une passivité insoutenable. Son ancienne femme était invivable, et elle lui manque. Il la désire chaque dimanche quand il la croise en ramenant sa fille chez elle. A la maison l'attend en effet une épouse convaincue qu'elle est sur terre pour plaire à son mari. Elle est donc accommodante au possible, au point qu'il en est insupportable d'ennui qu'elle se plie à tout, comme si elle n'était pas vraiment là, comme si cela ne la touchait pas vraiment. Tel semble en effet le lot de ces born again ici, ils sont encore en vie et semblent déjà vivre dans le coton de la béatitude céleste, plus rien n'atteint leur sourire Colgate que la satisfaction de convertir une autre personne ou de pardonner. Vivre en chrétien a vaguement l'air d'une drogue à les voir.
L'auteur a l'intelligence et la finesse de ne pas attaquer ce monde de front, de ne pas céder à la critique acerbe, au sarcasme, à l'ironie. Il se place du côté de Tim, aussi, au risque de rendre le livre insupportable parfois pour qui ne croit pas, ou est carrément contre la religion. Mais en faisant cela, il se livre à un discret travail de sappe de l'intérieur : le monde est comme cela aujourd'hui, oui, mais regardez comme c'est pernicieux, regardez comme cela n'est pas la solution miracle à la vacuité, à l'absence de sens quz vous croyez lire dans votre vie. Regardez si finalement il est si gratifiant de faire le bien parce qu'on se pense devoir le faire, plutôt que par conviction profonde. Tim a arrêté de boire, de se droguer, parce qu'il pense que c'est ce que Dieu attend de lui. Et un jour ce n'est plus assez. Un jour c'est trop dur d'être parfait, de prétendre que tout va bien dans la paix de Dieu, qu'il n'y a aucune raison d'être malheureux. Un jour, cela ne suffit plus, et il doute que Dieu s'intéresse si particulièrement à lui, et le lecteur voit s'esquisser l'ombre réjouissante de la libre pensée : Tim ne boit pas parce qu'il n'en a plus envie, et non plus par crainte du pasteur.
Le livre n'a pas de happy end, l'église ne plie pas bagage, et l'obscurité est en bonne position pour gagner du terrain, réinstaurer les névroses du moyen-Age, qui se masturbe finira sourd, si vous péchez avant le mariage, vous êtes impurs, corrompus, et méritez l'enfer. Le livre n'est pas rassurant sur ce point-là, et il a raison, parce que c'est ce qui se passe outre - Atlantique, il serait hypocrite de prétendre que tout va bien...
Voici un extrait du début, très fin. Il montre tout le danger de la situation actuelle, le pouvoir de séduction de ces églises, la difficulté de s'y opposer :
http://www.nytimes.com/2009/06/18/opinion/18thu4.html?_r=1&scp=1&sq=sex+education&st=nyt
Evidemment, qui dit grossesse non désirée en croissance, implique également une augmentation de la transmission des MST, vu qu'on leur dit que les préservatifs sont forcément amenés à casser "the condom just happened to break, as condoms will".
C'est de la désinformation, c'est rétrograde et criminel. Physiquement, moralement, les préjudices de tels partis pris sont incommensurables. Vive l'obscurantisme !
En réalité, Ruth manque de perdre son job pour refuser, par intégrité intellectuelle, d'enseigner aux gamins que la seule voie vers l'âge adulte et le mariage, c'est l'abstinence, et de faire à nouveau tomber la condamnation morale de l'église sur des actes naturels. À nouveau, même, "y penser", devient suspect. Tout commence, pour elle, quand une gamine lui demande son opinion sur les pratiques orales , selon elle équivalent à lécher une cuvette de toilettes. Ruth lui fait une réponse honnête, prudente, lui exposant les risques pour la santé, lui rappelle qu'elle seule doit décider dans ce genre de situation, et conclue par "some people enjoy it". Honnête. Sauf qu'évidemment, quand une église de born again vient d'ouvrir à côté, ça passe très mal, il aurait sans doute fallut menacer la petite des feux de l'enfer. Peu à peu un comité se constitue autour de Ruth pour l'aider, la conseiller. Peu à peu Ruth en devient malade d'être déchirée entre ses convictions personnelles, le sentiment qu'elle doit l'honnêteté à ses élèves, l'impression d'un grand retour en arrière balayant les acquis des années 1970, et le désir de garder son job pour ses deux filles.
Dont l'une, d'ailleurs, se découvre l'envie d'aller à l'église du coin. L'effet des amies qui y vont, et de cet entraîneur de sport, Tim, le born again, qui a la fin d'un match a voulu les réunir toutes en prière pour remercier Dieu de leur victoire... Tim est un ancien alcoolique et drogué, un guitariste de rock dont les excès ont fini par lui coûter son mariage, et la garde de sa fille. Depuis, il a trouvé Dieu. L'idée que Dieu lui pardonnait, qu'il n'était plus seul, que s'il replongeait, il décevrait Dieu l'a aidé. Il a rencontré un pasteur très impliqué dans le bien-être de ses ouailles, qui lui a fait rencontré la douce et très pieuse jeune femme avec laquelle il se remarie, mais qui se trouve vite d'une passivité insoutenable. Son ancienne femme était invivable, et elle lui manque. Il la désire chaque dimanche quand il la croise en ramenant sa fille chez elle. A la maison l'attend en effet une épouse convaincue qu'elle est sur terre pour plaire à son mari. Elle est donc accommodante au possible, au point qu'il en est insupportable d'ennui qu'elle se plie à tout, comme si elle n'était pas vraiment là, comme si cela ne la touchait pas vraiment. Tel semble en effet le lot de ces born again ici, ils sont encore en vie et semblent déjà vivre dans le coton de la béatitude céleste, plus rien n'atteint leur sourire Colgate que la satisfaction de convertir une autre personne ou de pardonner. Vivre en chrétien a vaguement l'air d'une drogue à les voir.
L'auteur a l'intelligence et la finesse de ne pas attaquer ce monde de front, de ne pas céder à la critique acerbe, au sarcasme, à l'ironie. Il se place du côté de Tim, aussi, au risque de rendre le livre insupportable parfois pour qui ne croit pas, ou est carrément contre la religion. Mais en faisant cela, il se livre à un discret travail de sappe de l'intérieur : le monde est comme cela aujourd'hui, oui, mais regardez comme c'est pernicieux, regardez comme cela n'est pas la solution miracle à la vacuité, à l'absence de sens quz vous croyez lire dans votre vie. Regardez si finalement il est si gratifiant de faire le bien parce qu'on se pense devoir le faire, plutôt que par conviction profonde. Tim a arrêté de boire, de se droguer, parce qu'il pense que c'est ce que Dieu attend de lui. Et un jour ce n'est plus assez. Un jour c'est trop dur d'être parfait, de prétendre que tout va bien dans la paix de Dieu, qu'il n'y a aucune raison d'être malheureux. Un jour, cela ne suffit plus, et il doute que Dieu s'intéresse si particulièrement à lui, et le lecteur voit s'esquisser l'ombre réjouissante de la libre pensée : Tim ne boit pas parce qu'il n'en a plus envie, et non plus par crainte du pasteur.
Le livre n'a pas de happy end, l'église ne plie pas bagage, et l'obscurité est en bonne position pour gagner du terrain, réinstaurer les névroses du moyen-Age, qui se masturbe finira sourd, si vous péchez avant le mariage, vous êtes impurs, corrompus, et méritez l'enfer. Le livre n'est pas rassurant sur ce point-là, et il a raison, parce que c'est ce qui se passe outre - Atlantique, il serait hypocrite de prétendre que tout va bien...
Voici un extrait du début, très fin. Il montre tout le danger de la situation actuelle, le pouvoir de séduction de ces églises, la difficulté de s'y opposer :
Ruth wasn't sure what kind of spokesperson she'd been expecting, but it certainly wasn't the young woman who took the stage after a warm welcom from Principal Venuti. The guest speaker wasn't just blond and pretty; she was hot, and she knew it. You could see it in the way she moved towards the podium - like a movie star accepting an award - that consciousness she had of being watched, the pleasure she took in the attention. She wore a tailored navy blue suit with a knee lenght skirt, an outfit whose modesty somehow provoked curiosity rather than stifling it. Ruth, for example, find herself squinting at the stage, trying to decide if the unusually proud breasts straining against she speaker's silk blouse had been surgically enhanced.En contre-point, cet article du New York Times en date du 18 juin 2009 sur l'augmentation des grossesses non désirées chez les jeunes :
"Good afternoon", she said. My name is JoAnn Marlow, and I'd like to tell you a few things about myself. I'm twenty-eight years old, I'm a Leo, I'm a competitive ballroom dancer, and my favorite band is Coldplay. I like racquet sport, camping and hiking, and going for long rides on my boyfriend's Harley. Oh, yeah, and one more thing: I'm a virgin."
She paused, waiting for the audience to recover from a sudden epiphany of groans and snickers, punctuated by shouts of "what a waste!" and "not for long!" and "I'll be gentle!" issuing from unruly packs of boys scattered throughout the auditorium. JoAnn didn't seem troubled by the hecklers; it was all part of the show.
"I guess you feel sorry for me, huh? But you know what ? I don't care. I'm happy I'm a virgin. And my boyfriend's happy about it, too".
Somebody coughed the word "Bullshit", and pretty soon half the crowd was barking into their clenched fits. It got so bad that Principal Venuti had to stand up and give th evil eye until they stoped.
"You probably want to know why I'm so happy about something that seems so uncool, don't you ? Well, let me tell you a story."
The story was about a carefree girl named Melissa whom JoAnn had known in college. Melissa slept around, but figured it was okay, because the guys always used condoms. One night, though, when she was having "safe sex" with this handsome stud she'd met at a bar - a guy she didn't know from Adam - the condom just happened to break, as condoms will.
"The guy looked healthy", JoAnn explained. "But he had AIDS. Melissa's dead now. And I'm alive. That's reason number one why I'm glad to be a virgin".
It turned out JoAnn had a lot of reasons. She was happy because she'd never got gonorrhea, like her friend, Lori, a straight A student who didn't realize she was sick until prom night, when she discovered a foul puslike discharge on her underwear; or the excruciatingly painful Pelvic Inflamatory Discharge suffered by her ex-roommate, Angela, who'd let her chlamydia go untreated, and was now infertile; or herpes, like her old rock-climbing buddy, Mitch, who couldn't walk some days because of the agony caused by the festering sores on his penis; or hideous incurable genital warts like her otherwise-cute-as-a-button neighbor, Misty; or crabs, which were not actually crabs but lice - real live bugs ! - having a party in your pubic hair, like they'd done to her ex-dancing partner, Jason.
(...)
It was a standard-issue Abstinence Ed, in other words - shameless fear-mongering, backed up by half-truths and bogus examples in inflammatory rhetoric - nothing Ruth hadn't been exposed to before, but this time, for some reason, it felt different. The way JoAnn presented this stuff, it came accross as lived experience, and for a little while here - until she snapped out of her trance and saw with dismay how easily she'd been manipulated - even Ruth had fallen under her spell, wondering how she'd ever been so weak as to thinking it might be pleasant or even necessary to allow yourself to be touched or loved by another human being.
http://www.nytimes.com/2009/06/18/opinion/18thu4.html?_r=1&scp=1&sq=sex+education&st=nyt
Evidemment, qui dit grossesse non désirée en croissance, implique également une augmentation de la transmission des MST, vu qu'on leur dit que les préservatifs sont forcément amenés à casser "the condom just happened to break, as condoms will".
C'est de la désinformation, c'est rétrograde et criminel. Physiquement, moralement, les préjudices de tels partis pris sont incommensurables. Vive l'obscurantisme !
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