samedi 12 mai 2007

Le parfum

J'ai entendu ce matin, sur oui-fm, une critique pour le moins agaçante sur l'adaptation du parfum de Süskind. Bon, ils adorent le film, en chantent les louanges, pas forcément sur le pied de ce que je retiens personnellement du film, mais passons. Là où ça devient drôle, c'est quand ils commencent à résumer le film... Pour eux, c'est l'histoire d'un jeune homme doté d'un odorat surdéveloppé qui cherche l'odeur de la femme parfaite... Étrangement, il m'avait semblé qu'il cherchait à retrouver l'odeur d'une femme qui l'avait marqué dans une espèce de scène primitive. Il n'a jamais beaucoup été en contact avec des femmes dans sa jeunesse, et une fois, il accompagne son patron en livraison, une des rares fois où il voit l'extérieur, enfin la ville. Et là, il y a toutes ces odeurs, ces femmes qui sentent merveilleusement. Dont cette jeune fille rousse qui marche avec son panier de prunes, qui est toute jolie, toute douce, toute pure. Et ça le fascine, elle est aux antipodes de son monde. Il la suit, la rejoint, commence à la sentir et elle s'effraie. Des gens viennent, il la bâillonne, et involontairement, l'étouffe. Un peu décontenancé, il regarde s'effondrer ce corps. Sa passion des odeurs l'emporte et il s'imprègne alors de sa peau, de son parfum. Puis son patron le récupère et l'arrache à ce paradis. Pour moi c'est ça qu'il cherche à retrouver, la beauté et la pureté de cette première jeune fille. Et en effet, il est ensuite fasciné par une très jolie rousse, qui serait une version plus raffinée de la première jeune fille...



Et ils ne se sont pas arrêtés en si bon chemin sur oui-fm, ils ont ajouté ensuite qu'à voir cet Allemand racler la peau des gens pour obtenir de dominer le monde, on peut voir une métaphore d'Hitler et de sa soif de pouvoir. Et là je me dis : "quoi ??? "

Déjà, ne laissera-t-on jamais les Allemands en paix avec cela ?
Et ça me semble totalement aberrant. Ce n'est pas le pouvoir absolu que cherche le personnage, il cherche à être aimé, à être vu. Sa crise, son paradoxe, sa tragédie personnelle, est de sentir, d'expérimenter toutes les odeurs, sauf la sienne propre. Pour lui il n'en a pas. Et vu que pour lui, le monde existe à travers ses odeurs, ce qui ne se sent pas, n'existe pas. Dans sa logique, il n'existe pas aux yeux des autres. Et ça, il ne le veut pas. C'est horrible, ça serait comme être transparent. C'est cela qu'il veut réparer en s'inspirant d'une vieille légende un peu aberrante qui lui permettrait de créer le parfum absolu qui permettrait de voir s'ouvrir les cieux devant lui. Bref, soit, si on veut. Cela n'engage que moi, mais à mon sens, il n'y a aucun désir de gouverner le monde, dans le sens où il s'assiérait sur un trône et regarderait ses sujets lui obéir ou défiler devant lui. Il y a désir de pouvoir, évidemment, dans la mesure où il veut contrôler ce que ressentent les gens en sa présence. Il veut les contrôler, on est bien d'accord, mais il ne veut pas contrôler la marche du monde, il s'en fiche complètement, ça ne lui est pas même venu à l'esprit. Ce qu'il l'intéresse, c'est d'exister aux yeux des autres et d'être aimé. Et d'ailleurs, si on regarde la fin, sa déception devant le spectable de tous ces gens qui précisément, aiment, et auxquels il n'appartient pas, on voit bien que ce n'est pas la pulsion de domination qui le travaille. Il veut juste faire partie, appartenir. Et en faisant dévorer à la fin, c'est ce rapprochement qu'il accomplit...

Voilà déjà pour la libido dominandi. Alors après Hitler. Non mais alors là, alors là, ce que je ressents va au-delà de l'exaspération. Non mais c'est si facile de toujours tout ramener la Seconde Guerre mondiale dès qu'on parle un peu de l'Allemagne, alors ça, ça entretient la bonne amitié entre les peuples ! Il est où déjà le rapport à l'Allemagne ici ? Dans le fait que l'auteur est Allemand, mais il me semble que Jean-Baptiste Grenouille est Français lui non ? Et que cela se passe à Paris, et à Grasse... Il est où là ce fichu rapport à l'Allemagne ?Eet alors, encore mieux, Hitler a voulu dominer le monde en gratouillant des corps... ? J'adore. Niveau raccourci débile de l'histoire on ne peut pas mieux faire. Non mais c'est une aberration de dire cela ! C'est scandaleux ! Et il y a des gens qui le croient en plus j'en suis sûre... ! Y'a des gamins qui écoutent cette radio, plus qu'une autre catégorie d'ailleurs sans aucun doute. Mais bon. Non mais c'est ridicule ! On transforme le 3° Reich, déjà pas glorieux, en tentative absolument malsaine de faire je ne sais pas trop quoi pour dominer le monde par le sang, par les cadavres ? Non mais c'est quoi ça ? Il faut remettre les choses à leur place. On a d'une part l'entreprise de guerre, a priori, c'est encore de la façon traditionnelle qu'il a essayé d'établir la domination allemande sur l'Europe. Bon, et ensuite, il y a la volonté de créer un peuple nouveau, expurgé de ses éléments indésirables... Ce n'est pas la même dynamique, enfin, ce qui a été fait dans les camps n'est pas tourné vers la conquête mais vers l'intérieur, vers le fonctionnement du pays, vers une certaine idée de la nation. Et alors, à quoi racler des corps peut bien faire référence, là... Mystère... Il faut de nouveau extrapoler pour comprendre... Est-ce une référence à la récupération des dents en or sur les cadavres ? Des cheveux ? Est-ce le fait qu'on découpait les fragments de peaux tatouées pour en faire des abat-jours ? En un sens, il n'y a que l'embarras du choix, mais tout de même, il s'est passé bien des choses dans les camps mais je n'ai pas encore entendu qu'on raclât les corps pour je ne sais quelle obscure raison... et l'entreprise nazie est déjà assez hors norme elle-même pour qu'on ne fasse pas dans la surenchère...

Le problème fondamental ici, c'est que SOIXANTE - DEUX BON SANG D'ANNÉES APRÈS, on ramène encore toujours tout à cela. Est-ce qu'un jour un auteur allemand pourra écrire sans qu'on plaque une grille de lecture "Seconde Guerre mondiale" sur son oeuvre, pour voir où il se situe, qu'est-ce qu'il en dit, s'il n'y a pas une foutue métaphore de je ne sais quoi à y voir, elles ont bon dos les figures de style quand même... Non mais, il ne s'agit pas de dire que ça n'a pas eu lieu, que les générations qui écrivent ensuite sont en-dehors de toute influence, comme si ça ne les concernait pas, au contraire, bien au contraire, c'est au centre d'énormément d'oeuvres, la culpabilité, le qu'on fait mes parents ? Le qu'est-ce que j'aurais fait si... ? Le comment expier ? Le comment écrire autrement...? Mais, enfin, ils le font déjà assez tout seuls, et c'est leur légitimité, assumer d'être allemand après la Deuxième Guerre mondiale est leur quête personnelle, on n'a pas à intervenir et à juger, encore moins si c'est pour porter ce genre de jugement qui est comme est une négation de toutes les évolutions, de tous les progrès qu'on essaie de faire . Des gens essaient d'avancer, et hop, voilà, on les ramène à la case départ, vous croyiez échapper à Hitler, et bien non, allez, on vous en remet une couche... Ca rime à quoi ? Où est l'intérêt ? Depuis quand expie - t - on pour les générations antérieures ? Et je ne vois pas qu'en France on se pose tant que cela la question de Vichy, on ne sort pas la métaphore de Vichy à toutes les sauces, pourtant il y aurait de quoi aussi... Le deux poids deux mesures est un peu facile.

Alors on peut dire, oui, mais c'est oui-fm, il ne fallait pas t'attendre à grand chose de leur part... Je ne m'attendais pas à une critique profondément éclairée ou quoi que ce soit, je n'écoute pas cette station pour ses présentateurs, mais ils se pensent éclairés, se prennent pour des autorités en cinéma, si cela les amuse soit, mais là, ça va bien au-delà. Je n'attendais pas qu'ils disent quelque chose de particulier ou de profond, mais j'attendais qu'ils ne disent pas des énormités pareilles...

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