lundi 12 février 2007

Don Giovanni, mon premier opéra...


Bien, puisqu'il faut bien commencer à quelque part...

Don Giovanni, de Mozart, m'a occupée toute l'après-midi, et continue de le faire. La pièce était superbe, évidemment. Quoique, lorsqu'on a la version de Molière en tête, on est un peu perplexe à la fin, déçue de ne pas voir le grand séducteur foudroyé, mais pétrifié en quelque sorte, par un Commandeur sans doute en pierre, mais en tout cas poussé sur sa chaise de bureau. Et oui, c'est une version moderne, très bonne au demeurant, mais elle m'a prise par suprise. Peu à peu, le Commandeur s'écroule, Donna Elvira trouve la volonté de le poignarder, en vain, il est presque déjà mort, mais c'est pour la forme dirons-nous, et ensuite, je n'ai pu m'empécher de repenser au parfum de Süskind, s'entend, son adaption cinématographique, quand j'ai vu toute la troupe se jeter sur le corps du Don. Avant de le défenester. Passons.
Ce qui m'a étonnée, c'est que, me voulant féministe, j'ai pu autant apprécier ce personnage pourtant prédateur, de Don Giovanni, et autant, pour ainsi dire mépriser ses conquêtes. Dans cette oeuvre, on voit le séducteur aller de femmes en femmes, de mensonges en mensonges, mais en un sens, il est toujours constant, toujours égal à lui-même, dans la mesure où il fait toujours la même chose. L'autre constante, c'est la facilité avec laquelle on lui cède, femmes, et hommes aussi. On plie devant sa volonté. Serait-il irrésistible ? C'était ma première hypothèse, mais bien vite, j'ai eu une autre impression, celle que dans cette pièce, il était le seul à tout simplement avoir une volonté... et à l'assumer.
Donna Anna, sc 1, se jette à ses pieds, tâche de le retenir par tous les moyens. Plus loin, elle dira à son fiancé qu'il a tenté d'abuser d'elle, qu'elle est sortie guidée par sa colère. Donna Elvira se fait humilier de toutes les façons possibles, et ne cesse pour autant de lui crier son amour. Quant aux hommes... car ces femmes ne sont pas seules, ils sont effacés, le brave fiancé de Donna Anna se trouve forcé de la venger, et de venger son père que Don Giovanni a tué, et il le fait juste comme cela, par bonté d'âme, sans rien demander en échange. Et quand, enfin, Don Giovanni meurt, que s'entend-il dire, qu'Anna veut un an de plus avant le mariage. On finit par se demander si c'est pour porter le deuil de son père, ou celui de Don Giovanni. Quand à la petite paysanne, ou plutôt femme de ménage dans cette version, elle ne se fait pas prier pour quitter son fiancé, et, une fois abandonné par le Don, lui revient, se trainant à ses pieds, le suppliant de la battre, lui faisant des avances. En un sens, ce qu'elle semble chercher, c'est à être touchée, d'une façon ou une autre... Elles veulent ressentir, éprouver, c'est ce que leur permet Don Giovanni, ne fût-ce que pour un bref instant, et c'est ce qu'elles doivent cacher par la suite.
Comment lire alors cette pièce, simple désir de conquête qui vire à l'hybris, la démesure et se voit punit ? Ou châtiment par les faibles d'un fort ? Ou misère de la femme-objet et pourtant désirante dans un monde où elle ne peut le dire ? Dans tous les cas c'était très beau, et dans tous les cas dur à admettre...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour ma part, j'ai eu du mal à me faire à l'extrême modernité de la mise en scène, même si je conçois bien que c'est un moyen pour dire aux spectateurs: "Attention, tout ce que vous allez voir a encore un sens aujourd'hui, pourrait se passer dans votre monde, vous êtes concernés."
Je trouve le fait que Donna Anna demande encore un an avant son mariage génial, parce que non seulement ça permet au spectateur à l'esprit mal tourné de se demander si ce n'est pas parce que finalement elle se dit qu'elle n'a pas très envie d'épouser son fiancé et qu'elle préférait Don Giovanni, mais aussi parce que cela fait d'elle un personnage éploré, éternellement figé dans le deuil (d'où mise en scène très réussie avec la bougie), ou entre son deuil et son amour, comme on veut.
Pour la façon dont les femmes sont traitées, me demande si Mozart n'est pas un peu misogyne sur les bords. De toutes façons ce n'est pas un auteur très sympathique sur le plan humain. Comment un type si peu sympathique, à mon avis, a-t-il eu tant de génie?

Lenora a dit…

Ca me rappelle un prof de philo qui nous demandait toujours "avec quel philosophe aimeriez-vous partir en vacances...?" On en trouvait jamais, et pour cause...