vendredi 16 février 2007

I couldn't let the beauty die...







...dit Kynaston, le personnage principal masculin de "Stage Beauty", un film incroyable, dont les répliques en ce moment me hantent. Il s'agit d'un fim d'époque, sous Guillaume d'Orange me semble-t-il, sur le théâtre. Le fil de l'intrigue est le passage d'un théâtre où les rôles de femmes sont joués par des hommes, à un théâtre où les femmes jouent leur propre rôle, ramenant les hommes au leur. Il est traversé par divers questions, ce qui le rend très riche, il se veut au premier abord un film sur le jeu théâtral, qu'est ce qui fait un bon acteur, où doit se placer le miroir ? Un des personnages dit en effet à Kynaston qu'il l'adorait dans les rôles de femmes travesties en homme qu'on trouve fréquemment dans les comédie shakespeariennes, Kynaston lui explique alors, à la va-vite, que c'est à cause de la réflection multiple qui s'y trouve contenue, un homme jouant une femme jouant un homme, un homme jouant un homme, pour lui, est sans intérêt... ce qui amène le second sujet du film, plus complexe, plus fondamental, il est traversé de fond en comble par la question du genre, car ces hommes, qui jouaient les rôles de femmes, n'ont jamais rien joué d'autre, ils ne savent jouer que cela, et ces rôles, évidemment, par leur difficulté, ont aussi touché leur être propre... sont-ils des hommes, sont ils des femmes, Claire Danes ne cesse de demander "qui es-tu ?" à Kynaston - Billy Crudupp. Le film s'achève sur la reconnaissance de son incapacité à se classer dans une catégorie précise, et si limitée... Kynaston y est en effet en crise du début à la fin, au départ, il est adulé, le meilleur acteur de femmes qui soit à l'époque, puis, son aide en coulisse se produit dans les mêmes rôles que lui dans des théâtres clandestins, cela fait du bruit, et par un enchaînement de hasards malheureux, le roi décide d'interdire aux hommes de jouer des rôles de femmes. Kynaston est alors déchiré, pour lui, il ne sait faire que cela, il joue une femme, et bien souvent, fait la femme également, avec le Lord Buckingham de l'époque. S'en suit sa déchéance dûe à son incapacité apparente à s'adpater. Miss Hughes, son aide, devenue la coqueluche des théâtres, et pour cause, elle est la première femme à jouer, essaie de le sauver, de l'aider. Vient alors cette scène magnifique dont les répliques me poursuivent en ce moment. Kynaston lui explique qu'il rate toujours, à son sens, la mort de Desdémone, "i couldn't let the beauty die, without beauty there's nothing. who could love that...?" Il ne pouvait se résoudre à ne pas soigner la mort, au point de la faire paraître artificielle... puis, sur le point de lui faire l'amour, il lui demande une faveur il veut voir "how you die", jouant sur le même double sens qu'en français pour la (petite) mort. Cela met Hughes en rage, qu'il puisse mettre ces deux choses sur le même plan. Elle se lève et lui hurle, pour le rôle de Desdémone "a woman would fight !". Elle n'attendrait pas gentiment que son mari vienne lui donner la mort. Kynaston va alors, par la suite, la faire être Desdémone, et à son contact, se révéler Othello. Une des plus belles scènes du cinéma, à mes yeux en tout cas. On passe d'un jeu elizabéthain à un jeu post-Marlon Brando. Et c'est à couper le souffle...

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