mardi 27 février 2007

Plongée dans le programme d'un candidat

Pour une fois, je lis le journal presque à l'heure. Le Monde du 24 février 2007 en page 10 consacre un article au programme électoral de M. Le Pen. C'est assez édifiant, même, une bombe à retardement.
A ses yeux, l'immigration reste la cause principale des problèmes de la France, en matière de chômage, crise du logement, déficit de la Sécurité sociale, délinquance, dette publique etc etc etc...

Ses solutions :
une politique d'inversion des flux migratoires (...), d'arrêt de toute nouvelle immigration (...), d'assimilation de ceux qui respectent nos lois, nos coutumes, acceptent les devoirs qui découlent des droits accordés et considèrent la France comme leur patrie, à l'exception de toute autre.
Une petite remarque de littéraire déjà, vous avez remarqué son utilisation du pronom démonstratif "ceux"...? Que de mise à distance: oui, pour lui, il y a nous et il y a eux... si différents. On en met des choses sous les mots.
Et au passage, on renonce aussi à la double nationalité. Mais tout le monde n'est pas forcé de chanter, comme Edith Piaf "je me fous du passé", il y a des gens pour qui ça compte, le passé, les racines, une identité, ce n'est jamais un bloc homogène, il y a des millions de petites choses qui forment une identité...

Bref, pratiquement, cela donne, je cite là Le Monde :

Cette politique se traduirait par un rétablissement des frontières donc une sortie de l'espace Schengen ainsi que la dénonciation de tous les traités européens concernant l'immigration. tout étranger rentré illégalement sur le territoire serait bien évidemment expulsé. D'autre part, les personnes sous le coup d'une condamnation judiciaire seront également priés de repartir au pays "purger leur peine". Et les ressortissants Français, naturalisés depuis moins de dix ans, condamnés à plus de six mois de prison fermes pourraient se voir déchus de leur nationalité.
De façon à décourager les candidats à l'immigration, la durée des cartes de séjour
passerait de dix à trois ans, "y compris pour ceux qui se trouvent actuellement sur notre territoire" et il serait mis fin au regroupement familial. De même, les patrons embauchant des étrangers verraient la part de leurs cotisations à la branche maladie majorées de 35%, idem pour l'assurance- chômage. Dans ce dernier cas, la part salariale serait elle aussi augmentée de 35%, seules les cotisations pour les retraites resteraient inchangées, mais les travailleurs immigrés seraient incités à retourner dans leur pays d'origine pour y finir leur vie.
Enfin, les travailleurs étrangers n'auraient plus droit aux aides sociales qui, comme les allocations familiales seraient réservées aux Français.


Là encore, je souligne "notre territoire"... notre argent, nos emplois, nos femmes a-t-on envie de continuer... non mais il faut se rendre compte là, il veut rendre la vie à tous les "étrangers" insupportable ici pour forcer à partir des gens qui ont bâtis leur vie ici, cotisé ici, travaillé chez nous, nous enrichissent... Il encourage au racisme, je suis désolée, mais à un moment, il faut dire les choses. Pénaliser les entreprises engageant des étrangers, ça va loin quand même, c'est de la discrimination, c'est ce pourquoi on fait des lois aujourd'hui. C'est ignoble. Repensez un peu aux années 30, de l'autre côté du Rhin, c'est comme ça que ça commence, de façon apparemment anodine et politiquement correcte, avec l'assentiment de la foule, trop heureuse de trouver un bouc émissaire à ses problèmes: on donne d'abord envie de partir, et quand ça ne va pas assez vite, ça dérape. Repensez-y surtout, il ne faut pas oublier ça parce qu'on n'est jamais à l'abri contre ça !

Et vous vous sentez peut-être à l'abri, mais vous n'avez pas vu ce qu'il prépare aussi aux Français... il ne veut pas clairement interdire l'avortement, mais il veut inscrire dans le préambule de la Constitution "le caractère sacré de la vie, de la conception à la mort". C'est la porte ouverte à la répression de l'avortement, il faut voir les choses en face. Et au passage, c'est aussi revenir en arrière sur ce qui est à l'oeuvre en matière de droit de mourir pour les malades en phase terminale. Il compte donc favoriser et encourager l'adoption prénatale. En gros mesdemoiselles, vous n'avez pas envie d'être enceintes, et vous l'êtes, par négligence, accident, ou agression, là, n'est pas la question, vous avez envie d'avorter parce que vous êtes trop jeune, ou traumatisée, ou vous aimeriez bien finir vos études... et bien vous oubliez, et vous vous préparez à mettre votre vie entre parenthèse pendant neuf mois, voire carrément à la fiche en l'air, à porter un enfant dont vous ne voulez pas, que vous ferez adopter ensuite, ce qui n'est jamais facile, avec tous les cas de conscience possible et imaginables. vous croyiez être libre... ce n'est plus le cas. retour en arrière. avant 68, quand on n'avait pas le droit de disposer de notre propre corps. quand je pense qu'il y a des pays où on lutte pour mettre en place une structure médicale légale permettant l'avortement. le portugal pour commencer... ces femmes comprendraient-elles qu'on renonce à ce pourquoi elles se battent...?

Et pour les autres, le mariage homosexuel, vous oubliez, l'adoption encore moins...

Et il y en a pour tous les goûts, pour les Européens et les Libéraux aussi... Ça fait plus de cinquante ans qu'on essaie de construire l'Europe, de former une entité qui ait un poids sur la scène internationale... et bien on va balayer tout cela, allez, retour en arrière, de toute façon c'était mieux avant. On n'abandonne plus d'emblée l'euro, mais on exige une réforme de la BCE, il y a fort à parier, qu'elle refuse, bon prétexte pour sortir de l'Euro alors. On renégocie les traités, l'Etat doit redevenir souverain et si les autres pays ne suivent pas, on fait un référendum demandant si "la France doit reprendre son indépendance". Mais pour faire quoi ? Pour faire quoi ? Dans le monde actuel, il ne faut pas se leurrer, économiquement, ce serait la plongée dans l'abîme... ah oui, et on refusera aussi désormais la coopération policière et judiciaire avec Europol, tout impôt européen, bien évidemment, on rétablit la préférence communautaire. Et si on pouvait quitter l'eurocorps et l'OTAN, et renforcer l'armée nationale... là, vraiment, ce serait parfait...

Certes... que tous les partisans du vote de protestation y pensent un peu... on proteste par des manifestations, on ne joue pas avec des élections, c'est pas la même chose, chaque chose à saplace, et ce vote-là, il est dangereux. Vraiment. Vous sentez-vous de taille à cautionner tout cela juste pour dire votre ras-le-bol...? Il me semble que ce n'est pas tout à fait la même chose, ça va bien plus loin. Et au passage, il y a aussi des extrêmes à gauche si vous vous sentez l'âme protestataire. Il y a les Verts aussi, c'est utile ça, défendre la planète sur laquelle on vit, et c'est plus constructif. Les actes ont des conséquences et il faut y penser aussi avant d'agir, la beauté du geste, c'est une utopie en politique. On s'en fiche pas mal du geste, ce qui compte c'est ce qu'il crée. Il faut le savoir. Voulez-vous créer ce monstre ?







2 commentaires:

Anonyme a dit…

Belle analyse. Heureusement (si j'ose dire) il y a peu de chance que l'on retrouve la situation de avril 2002... Cependant, il est vrai que, sa fille Marine ayant repris les rênes de la campagne, le FN gagne (encore) du terrain. Mais Bayrou est là pour devenir le nouveau "3° homme (désolé Ségo, c'est une expression!)" de la campagne.

Anonyme a dit…

très bien écrit. C'est une bombe à retardement ce Le Pen. il accuse Sarkosy de faire de la discrimination positive, mais la sienne, elle s'appelle comment. Malheureusement il y aura toujours des gens pour croire que leurs problèmes viennent des "autres".