Je fouinais récemment, comme souvent, quand tout d'un coup je me suis retrouvée nez à nez avec un nom, Fitzgerald. Et tout d'un coup tout un monde est réapparu, The Great Gatsby. un livre magnifique, et un film, celui avec Robert Redford, vous pardonnerez l'amateurisme qui me fait citer l'acteur principal plutôt que le réalisateur, bon, si, j'ai vérifié, de Jack Clayton, le scénario a été adapté par Coppola. tout de suite, on comprend le niveau du film...
Gatsby, je l'ai découvert à 18 ans, dans une version d'anglais un peu corsée, on avait ce fameux passage décrivant l'une des fêtes magnifiques qu'il donne, et je me souviens encore aujourd'hui du casse-tête que ce fut pour rendre cette affluence, la magnificence et le raffinement des robes des femmes... c'était dur, mais c'était si beau, cela m'a donné envie de lire le livre.
Ce fut l'un des premiers que j'ai acheté, le même jour qu'Emma, de Jane Austen, tous les deux aux éditions Wordsworth classics, l'équivalent des penguins en bleu marine. Pour faire mentir l'idée reçue selon laquelle si on ne dépense pas une certaine somme pour un livre on l'achète sans y penser et on le pose sur une étagère pour l'oublier ensuite. Je l'ai lu dans une période de grand stress et de travail intellectuel constant, il a représenté une échappatoire incroyable. ce monde flamboyant, cette munificence, cette prodigalité, ce caractère festif, c'était incroyable, à mille lieu de mon bureau et de mes études austères. Non, là je rimbaldise, mais sur le coup, passé une certaine dose, même la géopolitique paraît austère, même Musset et Ronsard.
C'est ce genre de moments qui ont déterminé le lien affectif fort et particulier que j'ai à la langue anglaise. Tous mes cours étaient en français, je passais beaucoup de temps à analyser les auteurs français, le quintuple au moins du temps que je consacrais aux anglais. Le français était devenu ma langue de travail, je ne pouvais plus me détendre ne lisant un bon livre français. Et, comme c'était l'époque où le moindre moment passé de façon non directement utile à mon but était perdu et me vouait à d'atroces crises de culpabilité, je me trouvais comme alibi pour lire des romans étrangers d'améliorer mon niveau en version anglaise. Ce fut le cas. Et en même temps, les petites heures de la nuit, après le travail à long terme, celui à court terme, le latin quotidien, alias mon oxygène aussi, l'anglais, l'anglais c'était ce qui me portait ailleurs, plus près de mes rêves, plus loin de ma vie. Une autre langue, c'était penser autre chose, ressentir autrement, devenir presque une autre.
De ce jour, il s'est fait une légère césure en moi, le français est ma langue maternelle, et le restera jusqu'à ma mort, mais l'anglais, l'anglais c'est la langue du coeur. Au point que bien souvent, quand il s'agit de sentiments, il prenne le pas sur le français. L'anglais, c'est la langue dans laquelle, bien que rarement, mais tout de même, je parle dans mon sommeil dit-on. L'anglais est la langue dans laquelle j'écris. Et je crois pouvoir dire aujourd'hui que de bien des manières, l'anglais fut mon premier amour.
L'anglais est à la fois ce qui, un moment, m'a éloignée du français, et ce qui m'y a ramenée. En maintenant intact mon goût pour la lecture, que les lectures conseillées érodaient tous les jours davantage, l'anglais m'a permis de conserver cet appétit, cette gourmandise pour les livres qui a fait que cette année je me suis surprise à relire en français, réécrire en français, retrouver des qualités au français. Même si à mon sens les traductions de Marlowe du De natura rerum seront toujours, et de loin, supérieures à tout ce qu'on peut faire en français, il n'en reste pas moins la langue de Verlaine et d'Apollinaire.
Ma vie n'est pas très stable, je change beaucoup, j'évolue vite, je m'adapte, au point parfois de risquer de me perdre... Mais il est tout de même deux pôles de stabilité, dans lesquels je peux descendre et m'attarder un temps, qui ne me quitteront jamais, qui sont un réconfort perpétuel, une source d'équilibre dans leur exigence même, ce sont les littératures anglophone et latine. Plus que les langues, c'est tout l'univers qu'elles découvrent qui me sert parfois aussi bien de promontoire que de refuge...
Oui, on peut habiter une langue. Et oui, une langue est aussi plus qu'un individu, plus qu'un peuple à une époque donnée, elle est toute une tradition, une histoire qui s'étend à travers les siècles. L'allemand, et Celan l' a prouvé très tôt, ne sera jamais enfermé dans cet aboiement nazi qui l'a un moment souillé...
Ci-contre, Paul Celan, au-dessus, deux photos du film, The great Gatsby, et tout en haut, une photo de F. S. Fitzgerald.
Gatsby, je l'ai découvert à 18 ans, dans une version d'anglais un peu corsée, on avait ce fameux passage décrivant l'une des fêtes magnifiques qu'il donne, et je me souviens encore aujourd'hui du casse-tête que ce fut pour rendre cette affluence, la magnificence et le raffinement des robes des femmes... c'était dur, mais c'était si beau, cela m'a donné envie de lire le livre.
Ce fut l'un des premiers que j'ai acheté, le même jour qu'Emma, de Jane Austen, tous les deux aux éditions Wordsworth classics, l'équivalent des penguins en bleu marine. Pour faire mentir l'idée reçue selon laquelle si on ne dépense pas une certaine somme pour un livre on l'achète sans y penser et on le pose sur une étagère pour l'oublier ensuite. Je l'ai lu dans une période de grand stress et de travail intellectuel constant, il a représenté une échappatoire incroyable. ce monde flamboyant, cette munificence, cette prodigalité, ce caractère festif, c'était incroyable, à mille lieu de mon bureau et de mes études austères. Non, là je rimbaldise, mais sur le coup, passé une certaine dose, même la géopolitique paraît austère, même Musset et Ronsard.
C'est ce genre de moments qui ont déterminé le lien affectif fort et particulier que j'ai à la langue anglaise. Tous mes cours étaient en français, je passais beaucoup de temps à analyser les auteurs français, le quintuple au moins du temps que je consacrais aux anglais. Le français était devenu ma langue de travail, je ne pouvais plus me détendre ne lisant un bon livre français. Et, comme c'était l'époque où le moindre moment passé de façon non directement utile à mon but était perdu et me vouait à d'atroces crises de culpabilité, je me trouvais comme alibi pour lire des romans étrangers d'améliorer mon niveau en version anglaise. Ce fut le cas. Et en même temps, les petites heures de la nuit, après le travail à long terme, celui à court terme, le latin quotidien, alias mon oxygène aussi, l'anglais, l'anglais c'était ce qui me portait ailleurs, plus près de mes rêves, plus loin de ma vie. Une autre langue, c'était penser autre chose, ressentir autrement, devenir presque une autre.
De ce jour, il s'est fait une légère césure en moi, le français est ma langue maternelle, et le restera jusqu'à ma mort, mais l'anglais, l'anglais c'est la langue du coeur. Au point que bien souvent, quand il s'agit de sentiments, il prenne le pas sur le français. L'anglais, c'est la langue dans laquelle, bien que rarement, mais tout de même, je parle dans mon sommeil dit-on. L'anglais est la langue dans laquelle j'écris. Et je crois pouvoir dire aujourd'hui que de bien des manières, l'anglais fut mon premier amour.
L'anglais est à la fois ce qui, un moment, m'a éloignée du français, et ce qui m'y a ramenée. En maintenant intact mon goût pour la lecture, que les lectures conseillées érodaient tous les jours davantage, l'anglais m'a permis de conserver cet appétit, cette gourmandise pour les livres qui a fait que cette année je me suis surprise à relire en français, réécrire en français, retrouver des qualités au français. Même si à mon sens les traductions de Marlowe du De natura rerum seront toujours, et de loin, supérieures à tout ce qu'on peut faire en français, il n'en reste pas moins la langue de Verlaine et d'Apollinaire.
Ma vie n'est pas très stable, je change beaucoup, j'évolue vite, je m'adapte, au point parfois de risquer de me perdre... Mais il est tout de même deux pôles de stabilité, dans lesquels je peux descendre et m'attarder un temps, qui ne me quitteront jamais, qui sont un réconfort perpétuel, une source d'équilibre dans leur exigence même, ce sont les littératures anglophone et latine. Plus que les langues, c'est tout l'univers qu'elles découvrent qui me sert parfois aussi bien de promontoire que de refuge...
Oui, on peut habiter une langue. Et oui, une langue est aussi plus qu'un individu, plus qu'un peuple à une époque donnée, elle est toute une tradition, une histoire qui s'étend à travers les siècles. L'allemand, et Celan l' a prouvé très tôt, ne sera jamais enfermé dans cet aboiement nazi qui l'a un moment souillé...
Ci-contre, Paul Celan, au-dessus, deux photos du film, The great Gatsby, et tout en haut, une photo de F. S. Fitzgerald.
2 commentaires:
Pour ma part, j'estime que Coppola est un monstre d'excentricité persuadé de faire des grands films profonds et inoubliables. Mais ça c'est encore une de ces platitudes que les gens aiment à répéter pour se donner une stature. Crois moi, les grands films ne sont pas ceux de ce boucher. Un exemple de sa nullité creuse : "Apocalypse now". Palme d'or à Cannes en 79, alors que son montage n'est pas encore terminé, les critiques l'encensent et le prennent pour un génie qui a sû,lui, réellement saisir la guerre du Vietnam. Ah bon ?! Voir le vrai sacrifice d'un boeuf aligné avec celui d'un vieux Brando grimmé en Kurtz caricatural, ça les fait peut-être hurler au génie mais pas moi. Même la scène des hélicos Wagnériens est d'une nullité crasse ! La guerre ! Ca ! Tu parles d'un coup ! L'odeur de la mort n'est nulle part dans Apocalypse Now ! Si ce n'est pour le pauvre boeuf, mais on reconnait bien là les méthodes si délicates de papa Coppola...! Préfère "Platoon" d'Oliver Stone, "Deer Hunter" de Cimino, ou bien encore "L'échelle de Jacob" d'Adryan Line. Là tu sens le talent véritable!
Ah oui, pour en finir avec Coppola, préfère lui ses enfants. Roman, surtout, dont on parle peu, éclipsé par le succés exagéré de sa soeurette mais qui posséde une virtuosité et une sensibilité tout à fait rare. Si il a fallut le papa pour en arriver là, alors d'accord je veux bien passer l'éponge...!
Biz
ahhh, c'est pas vrai un commentaire... !!! des semaines que je n'en avais plus vu...
oui, bon, ne t'inquiète pas, mon enthousiasme pour Coppola en l'occurence, c'est par contagion à cause de Gatsby, après le reste... Dracula... voilà quoi... me suffrages vont plutôt à Sofia (sa Kirsten Dunst et ses bo) quant à moi, peut-être faute de connaître Roman en fait. Merci pour les références en tous cas... !
:-)
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