Finalement, un petit post ne peut pas faire de mal.
La philo a eu l'air d'avoir du succès. Kant en plus... c'était plutôt inattendu. Tant mieux en fait.
Aujourd'hui, un peu de Sartre. Un philosophe bien controversé, mais c'est dans l'air en ce moment, il ne détonnera donc pas. Je me sens néanmoins un peu sur une pente savonneuse, sortie de mes domaines habituels.
Je ne suis pas une grande sartrienne, dans la mesure où le seul livre de lui qui m'ait plu fut les mots. La nausée m'a laissé remarquablement indifférente, ses écrits sur le théâtre me semblent datés. Quant à son oeuvre philosophique, l'existentialisme et tout cela, m'a toujours semblé avoir un peu de plomb dans l'aile. Je pourrais développer, mais bon, disons qu'il est lui-même revenu sur son travail après 1956 - la grande déception des communistes occidentaux - et oui, Staline est un dictateur sanguinaire, et il ne mettra pas en place le monde dont vous rêvez. Le problème de Sartre, le même qu'a croisé Camus d'ailleurs, sauf qu'il n'y ont pas répondu de la même façon, évidemment dirais-je... Beauvoir n'a pas écrit les mandarins (liste de toutes les oppositions fondamentales entre Sartre et Camus, du côté sartrien, on sait où vont ses fidélités) pour rien... Bref, Sartre s'est rendu compte qu'il ne pouvait prôner l'action, la liberté absolue juste comme cela, car c'était un peu donner caution à n'importe quelle action. Et c'est problématique. Toute action n'est pas bonne. Seulement ce n'était plus l'époque de la morale kantienne, déterminant comment un homme, digne de ce nom, doit agir. Il y a donc eu du bricolage philosophique des deux côtés. Camus s'en est un peu mieux sorti d'ailleurs, pour avoir été moins dogmatique, plus souple, plus auto-réflexif que Sartre. Sartre, après sa déception devant l'Urss en 56, n'est plus pareil, quelque chose s'est cassé en lui. J'imagine que cela fait toujours cela quand quelque chose ne quoi on croyait vraiment, un idéal qu'on place au-dessus de tout s'effondre. Il n'y a qu'à regarder la rage des anciens communistes reconvertis à droite, - François Furet par exemple, et son le passé d'une illusion - pour voir à quel points ils ont été blessés, à quel point la fêlure est profonde...
Mais Sartre a dit quelque chose de bien un jour, enfin pas qu'une chose, mais je retiens en particulier celle-ci : c'est que notre liberté ne se situe pas dans nos choix, mais dans notre capacité, notre volonté d'assumer ceux-ci.
Il y a tout un tas de présupposés derrière cela. Tout d'abord, le XX° siècle, c'est celui où on a découvert Freud, et le fait que l'homme n'est plus même maître en sa propre maison. Comprenez on a découvert l'inconscient, et donc le fait que dans notre esprit, de nombreuses choses nous échappent. Dont nos choix parfois. Il y a nos motifs conscients, on a tous des raisons exprimables d'aller dans un sens où dans un autre. Mais il y a aussi les motifs inconscients, qu'on ne peut découvrir qu'avec un travail sur nous-mêmes. En soi, on commence à se poser des questions sur notre capacité de faire un choix librement, si d'un côté on est poussés par des motifs dont nous n'avons pas conscience à prendre telle décisions. Peut-on encore se dire libre, faire des choix en pleine conscience... c'est problématique cela. Ensuite, il y a aussi la naissance de la sociologie, au XIX° siècle, regardez Zola par exemple. Là c'est l'idée que l'homme est influencé par le milieu dans lequel il vit, qu'il en subit une forme de déterminisme. Il faut aussi tenir compte de cela pour comprendre les choix.
Ce qui mène à l'idée selon laquelle qui connaît ses déterminations peut s'en affranchir, être libre. Sauf que cela, je pense, c'est une belle illusion...
Sartre a donc un problème. Il veut établir la liberté de l'homme, et il se rend bien compte que la liberté a un sacré plomb dans l'aile... Que fait-il alors ? Un déplacement... Du genre particulièrement astucieux je dois dire, il a toute mon admiration pour ce coup de maître.
Pour lui, on ne peut jamais faire ses choix en toute liberté, parce qu'on n'est jamais en-dehors de toute influence, et que souvent, on ne possède de loin pas assez d'éléments pour prendre des décisions. Mais comme dit Spinoza, il y a l'urgence de la vie, qui prend le pas sur les doutes et force à trancher. Et bien souvent on se trouve avec ses choix, à se demander si c'était la bonne décision, à les regretter, à revenir dessus. A faire tout un tas de choses stériles en fait. Comme on dit si joliment, ce qui est fait est fait. Après, il faut essayer de vivre avec. Et c'est ce qu'essaie de dire Sartre là. Notre liberté, elle se situe dans la décision de regarder ses choix, sans les assumer, de geindre en disant, c'était pas ma faute, j'avais pas le choix, si j'avais su... attitude stérile entre toutes. Sinon, on peut se dire aussi que bon, on en est là, comment aller de l'avant, transformer ce choix en quelque chose de constructif, en tirer quelque chose... c'est avoir l'intelligence de comprendre que toute façon, on ne peut revenir en arrière, voir être blasé au point de se dire que tous les choix se valent, ce qui change après, c'est l'exploitation, si je puis dire, qu'on en fait... On peut le laisser là, être vécu par sa vie, ou le convertir en essai. Cela me semble un bon compromis je crois, pour retrouver une marge de liberté dans sa vie.
Et aussi, ce qui est très beau là-dedans, c'est, je trouve, qu'on peut y voir par certains côtés une réminiscence de la conception grecque de la notion de responsabilité. Les Grecs considèrent qu'à partir du moment où on fait une action, quelques soient les conditions dans lesquelles elle s'accomplit, on est responsable de ses actes. Oedipe est coupable, malgré son ignorance au moment des faits. C'est lui qui a tué son père, qu'il l'ait voulu ou non ne change pas grand chose à l'affaire. A mon avis, cela relève plus de la question du pardon que celle de la responsabilité. Puis, notre société a évolué, vers le plus responsable de rien du tout. Ce n'est jamais moi, c'est toujours, au choix : mon inconscient, l'autre, mon background, le déterminisme social. Au final, on n'est plus responsable de rien. Et je trouve cela si facile que c'en est pathétique. C'est très infantile à mon sens. Mais bon, là je suis sur une pente vraiment savonneuse. J'ai tendance à me considérer responsable de mes actes, que j'ai voulu ou non les conséquences qui en découlent. Les excuses, les circonstances atténuantes, tout cela pour moi relève plus du pardon que d'autre chose. Mais ça n'engage que moi par contre. Je me permettrais de conclure en disant que c'est le signe du passage d'une société aristocratique - les Grecs - à une démocratie, étymologiquement, "le règne du peuple". Qui aurait cru que Sartre put avoir une seule opinion aristocratique ?
La philo a eu l'air d'avoir du succès. Kant en plus... c'était plutôt inattendu. Tant mieux en fait.
Aujourd'hui, un peu de Sartre. Un philosophe bien controversé, mais c'est dans l'air en ce moment, il ne détonnera donc pas. Je me sens néanmoins un peu sur une pente savonneuse, sortie de mes domaines habituels.
Je ne suis pas une grande sartrienne, dans la mesure où le seul livre de lui qui m'ait plu fut les mots. La nausée m'a laissé remarquablement indifférente, ses écrits sur le théâtre me semblent datés. Quant à son oeuvre philosophique, l'existentialisme et tout cela, m'a toujours semblé avoir un peu de plomb dans l'aile. Je pourrais développer, mais bon, disons qu'il est lui-même revenu sur son travail après 1956 - la grande déception des communistes occidentaux - et oui, Staline est un dictateur sanguinaire, et il ne mettra pas en place le monde dont vous rêvez. Le problème de Sartre, le même qu'a croisé Camus d'ailleurs, sauf qu'il n'y ont pas répondu de la même façon, évidemment dirais-je... Beauvoir n'a pas écrit les mandarins (liste de toutes les oppositions fondamentales entre Sartre et Camus, du côté sartrien, on sait où vont ses fidélités) pour rien... Bref, Sartre s'est rendu compte qu'il ne pouvait prôner l'action, la liberté absolue juste comme cela, car c'était un peu donner caution à n'importe quelle action. Et c'est problématique. Toute action n'est pas bonne. Seulement ce n'était plus l'époque de la morale kantienne, déterminant comment un homme, digne de ce nom, doit agir. Il y a donc eu du bricolage philosophique des deux côtés. Camus s'en est un peu mieux sorti d'ailleurs, pour avoir été moins dogmatique, plus souple, plus auto-réflexif que Sartre. Sartre, après sa déception devant l'Urss en 56, n'est plus pareil, quelque chose s'est cassé en lui. J'imagine que cela fait toujours cela quand quelque chose ne quoi on croyait vraiment, un idéal qu'on place au-dessus de tout s'effondre. Il n'y a qu'à regarder la rage des anciens communistes reconvertis à droite, - François Furet par exemple, et son le passé d'une illusion - pour voir à quel points ils ont été blessés, à quel point la fêlure est profonde...
Mais Sartre a dit quelque chose de bien un jour, enfin pas qu'une chose, mais je retiens en particulier celle-ci : c'est que notre liberté ne se situe pas dans nos choix, mais dans notre capacité, notre volonté d'assumer ceux-ci.
Il y a tout un tas de présupposés derrière cela. Tout d'abord, le XX° siècle, c'est celui où on a découvert Freud, et le fait que l'homme n'est plus même maître en sa propre maison. Comprenez on a découvert l'inconscient, et donc le fait que dans notre esprit, de nombreuses choses nous échappent. Dont nos choix parfois. Il y a nos motifs conscients, on a tous des raisons exprimables d'aller dans un sens où dans un autre. Mais il y a aussi les motifs inconscients, qu'on ne peut découvrir qu'avec un travail sur nous-mêmes. En soi, on commence à se poser des questions sur notre capacité de faire un choix librement, si d'un côté on est poussés par des motifs dont nous n'avons pas conscience à prendre telle décisions. Peut-on encore se dire libre, faire des choix en pleine conscience... c'est problématique cela. Ensuite, il y a aussi la naissance de la sociologie, au XIX° siècle, regardez Zola par exemple. Là c'est l'idée que l'homme est influencé par le milieu dans lequel il vit, qu'il en subit une forme de déterminisme. Il faut aussi tenir compte de cela pour comprendre les choix.
Ce qui mène à l'idée selon laquelle qui connaît ses déterminations peut s'en affranchir, être libre. Sauf que cela, je pense, c'est une belle illusion...
Sartre a donc un problème. Il veut établir la liberté de l'homme, et il se rend bien compte que la liberté a un sacré plomb dans l'aile... Que fait-il alors ? Un déplacement... Du genre particulièrement astucieux je dois dire, il a toute mon admiration pour ce coup de maître.
Pour lui, on ne peut jamais faire ses choix en toute liberté, parce qu'on n'est jamais en-dehors de toute influence, et que souvent, on ne possède de loin pas assez d'éléments pour prendre des décisions. Mais comme dit Spinoza, il y a l'urgence de la vie, qui prend le pas sur les doutes et force à trancher. Et bien souvent on se trouve avec ses choix, à se demander si c'était la bonne décision, à les regretter, à revenir dessus. A faire tout un tas de choses stériles en fait. Comme on dit si joliment, ce qui est fait est fait. Après, il faut essayer de vivre avec. Et c'est ce qu'essaie de dire Sartre là. Notre liberté, elle se situe dans la décision de regarder ses choix, sans les assumer, de geindre en disant, c'était pas ma faute, j'avais pas le choix, si j'avais su... attitude stérile entre toutes. Sinon, on peut se dire aussi que bon, on en est là, comment aller de l'avant, transformer ce choix en quelque chose de constructif, en tirer quelque chose... c'est avoir l'intelligence de comprendre que toute façon, on ne peut revenir en arrière, voir être blasé au point de se dire que tous les choix se valent, ce qui change après, c'est l'exploitation, si je puis dire, qu'on en fait... On peut le laisser là, être vécu par sa vie, ou le convertir en essai. Cela me semble un bon compromis je crois, pour retrouver une marge de liberté dans sa vie.
Et aussi, ce qui est très beau là-dedans, c'est, je trouve, qu'on peut y voir par certains côtés une réminiscence de la conception grecque de la notion de responsabilité. Les Grecs considèrent qu'à partir du moment où on fait une action, quelques soient les conditions dans lesquelles elle s'accomplit, on est responsable de ses actes. Oedipe est coupable, malgré son ignorance au moment des faits. C'est lui qui a tué son père, qu'il l'ait voulu ou non ne change pas grand chose à l'affaire. A mon avis, cela relève plus de la question du pardon que celle de la responsabilité. Puis, notre société a évolué, vers le plus responsable de rien du tout. Ce n'est jamais moi, c'est toujours, au choix : mon inconscient, l'autre, mon background, le déterminisme social. Au final, on n'est plus responsable de rien. Et je trouve cela si facile que c'en est pathétique. C'est très infantile à mon sens. Mais bon, là je suis sur une pente vraiment savonneuse. J'ai tendance à me considérer responsable de mes actes, que j'ai voulu ou non les conséquences qui en découlent. Les excuses, les circonstances atténuantes, tout cela pour moi relève plus du pardon que d'autre chose. Mais ça n'engage que moi par contre. Je me permettrais de conclure en disant que c'est le signe du passage d'une société aristocratique - les Grecs - à une démocratie, étymologiquement, "le règne du peuple". Qui aurait cru que Sartre put avoir une seule opinion aristocratique ?
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