J'ai finalement hâte de clore ce "cycle Lolita" donc voici la mise en perspective annoncée.
L'un des thèmes majeurs de Lolita, non pas le seul, est la pédophilie. Le personnage d'Humbert est presque présenté comme un cas d'étude ici, dans la mesure où l'auteur nous fournit dès le départ l'expérience primitive qui fixe dans l'esprit du maniaque l'obsession qui va le hanter désormais. Adolescent, il est ami avec / amoureux d' une jeune fille de 13 ans, joue à des petits jeux avec elle, découvre vaguement la sexualité. Rien de bien méchant à vrai dire. Mais c'est une expérience marquante, parce que la première, et pour lui, le temps s'arrête là parce qu'elle meurt. La subjectivité de Humbert reste donc fixée sur cet épisode, et tout au long de sa vie, il va vouloir le revivre, et si possible le faire aboutir. Ce n'ets pas la seule explication de ses pulsions, de sa déviance, évidemment, mais c'est une raison déterminante je pense. Non pas tant peut-être, parce que c'est la bonne, ou la meilleure, mais parce que c'est celle qu'il fournit lui-même. Donc en un sens, peu importe que ce soit vrai ou non, dans la mesure où lui le croit...
Ces pulsions le font donc appartenir au vaste et hétéroclite clan des pédophiles. Des adultes attirés par les enfants. Et pas ceux de 16 - 17 qui commencent déjà à ressembler à des adultes. Non, les jeunes adolescents et les enfants. Ici, ça va encore, si on peut dire, Humbert est attiré par une catégorie de jeunes filles qu'il appelle les nymphettes. Ca va grosse modo des débuts de la puberté, ou un petit peu avant à 15 ans environ, c'est le moment où plus tout à fait des enfants, les jeunes filles ne sont pas encore des femmes. Ni même des jeunes femmes. Elles n'ont de femmes que des formes qui commencent à apparaître et dont elles ne savent pas toujours quoi faire, je pense qu'on peut résumer cela comme cela. Alors parfois, elles testent, pour voir comment ça marche. C'est ce que fait Lolita ici, elle a l'intuition qu'elle commence à changer de catégorie, elle veut voir comment ça marche. Alors, certes, elle séduit peut-être Humbert, mais ce n'est pas sa faute. Elle ne peut pas savoir ce dans quoi elle met les doigts, même en ayant déjà perdu sa virginité dans les bois de son camp scout. Ce qui se passe entre deux gamins n'est pas comparable à ce qui peut arriver avec un adulte. On ne joue pas au même jeu, il n'y a pas les mêmes règles, la donne est fondamentalement biaisée dès le départ. Et ce n'est pas l'adulte qui en souffre. Rétorquer que si, dans la mesure où cela lui vaut la prison n'est pas de bonne guerre, parce que c'est lui l'adulte, on considère qu'il connait les conséquences de ses actes.En tout cas dans des affaires aussi sérieuses.
A lire le livre, on en oublie souvent, à la longue, son jeune âge, parce qu'elle prend des habitudes, parce que c'est Humbert et non elle qui raconte, on ne peut la voir qu'à travers ses yeux, et il n'a que vaguement accès à ce qu'elle pense. Et de toute manière, voudrait-il le voir dans sa réalité, il est permis d'en douter. Mais, il dit tout de même, c'est l'un des extraits que j'ai mis, que toutes les nuits, elle pleure, quand elle le croit endormi. C'est bien là un des détails qui fait se remémorer que tout n'est pas normal là-dedans, et que ne pas se défendre, ne pas se plaindre, ne pas lutter comme elle le fait, n'est pas être consentant et content de son sort. Elle est prisonnière d'un maniaque, elle ne peut faire grand chose. Et quand j'avais tendance à oublier cela, je repensais à Notes on a scandal, et au fait que non, la pédophilie, même entre une prof et un garçon de 17 ans, n'est pas acceptable, ni envisageable à aucun prix. Et quand je repense à mes élèves, je me rends bien compte à quel point c'est impossible. Avoir la détresse de Lolita en tête en lisant ce livre fut un aiguillon très désagréable - et salutaire - quoiqu'il me donnait souvent envie d'envoyer ce livre au diable au début, de le brûler au bucher de l'immoralité et autres excès qui auraient prouvé combien je n'avais rien compris.
Ce qui m'a fait tenir la lecture de ce livre, outre Nabokov et sa plume, c'est d'avoir eu, dans un coin de ma mémoire, des scènes de Hard Candy. Hard candy, c'est un film de David Slade où une jeune fille de 14 flirte sur le web, par les chatrooms et autres sites, avec un homme, photographe, de 34 ans, qu'elle rencontre, aguiche un peu, et à qui elle finit par faire traverser l'enfer. Pour ceux qui voudraient le voir un jour, avec le suspens, je vais raconter les événements principaux là. Donc une fois chez lui, elle se montre joueuse, flirteuse, aguicheuse, propose un verre. Elle le drogue, parce qu'elle veut fouiller chez lui, elle le soupcçonne de pédophilie, et retourne sa maison pour en trouver les preuves. Elle finit par mettre la main sur des photos, ce qui lui fait dire cette réplique qui qualifie bien certains moments de Lolita :"this is officially sick!". Elle veut alors le pousser à avouer. Pour ce faire elle le torture en jouant sur une angoisse primitive, à l'aide de drogues et d'une mise en scène très audacieuse, elle lui fait croire qu'elle le châtre. Il avoue. Elle lui montre qu'elle ne l'a pas touché. Mais elle veut qu'il se dénonce. Pour ce faire, elle le menace de divulguer son secret à la seule personne à qui il tient. Il refuse qu'on sache ce qu'il a fait. Elle lui désigne une autre issue - le suicide. C'est celle qu'il choisit.
Ce film, a bien des égards, était jouissif. Déjà, parce qu'on est toujours content de voir la victime habituelle se changer en bourreau. Sauf que du coup ça va si loin qu'on est obligé de s'interroger sur l'acceptabilité de la loi du talion, sur la possibilité pour quelqu'un de juger quelqu'un d'autre, ou plutôt, sur la légitimité à émettre, tout seul, un jugement. Personnellement, je ne pense pas qu'on puisse juger ses pairs seul, et encore moins, et ce même en groupe, condamner quelqu'un à mort. Pour moi, la société n'a pas droit de vie et de mort sur ses individus, elle n'a pas légitimité à le faire. Et ce malaise, le film semble l'avoir vu, parce qu'il contourne le problème en poussant Geoff au suicide. Est-ce plus acceptable pour autant ? Je n'en suis pas sûre. Mais je ne peux nier qu'une partie de moi s'est réjouie de sa mort. Du triomphe de la frêle (enfin pas tant visiblement) jeune fille de 14 ans sur le mal (mâle) incarné devant lequel, la plupart du temps, on est sans défense. Mais bon, comme le dit le réalisateur, l'intérêt du film, c'est qu'aucun personnage, ni Hayley, ni Geoff, n'est tout noir ou tout blanc. On compatit avec la victime (enfin moi pas, mais je trouvais par contre l'émasculation et le suicide un prix trop cher à payer, surtout quand celle qui le fixe est une jeune fille de 14, donc un être seul et non encore adulte, en pleine possession de ses capacités de discernement dirons-nous), et on est forcément du côté de Hayley aussi, parce que c'est l'héroïne vengeresse de toutes les autres jeunes filles abusées. Et de façon générale de toute les femmes qui ne peuvent jamais vraiment répondre / répliquer au harcèlement qu'elles (que nous) subissent (/ons) parfois.
Ce qui était particulièrement intéressant ici, appliqué à Lolita, c'est l'une des disputes de Geoff et Hayley. Je vous la mets en français, pour le coup, il a été plus facile de prendre en note le trailer que de trouver le script, qui du reste, je le sais maintenant, est consultable là : www.horrorlair.com/movies/hard-candy-script.html
Mon passage préféré du film je crois. Il est tellement juste...
L'un des thèmes majeurs de Lolita, non pas le seul, est la pédophilie. Le personnage d'Humbert est presque présenté comme un cas d'étude ici, dans la mesure où l'auteur nous fournit dès le départ l'expérience primitive qui fixe dans l'esprit du maniaque l'obsession qui va le hanter désormais. Adolescent, il est ami avec / amoureux d' une jeune fille de 13 ans, joue à des petits jeux avec elle, découvre vaguement la sexualité. Rien de bien méchant à vrai dire. Mais c'est une expérience marquante, parce que la première, et pour lui, le temps s'arrête là parce qu'elle meurt. La subjectivité de Humbert reste donc fixée sur cet épisode, et tout au long de sa vie, il va vouloir le revivre, et si possible le faire aboutir. Ce n'ets pas la seule explication de ses pulsions, de sa déviance, évidemment, mais c'est une raison déterminante je pense. Non pas tant peut-être, parce que c'est la bonne, ou la meilleure, mais parce que c'est celle qu'il fournit lui-même. Donc en un sens, peu importe que ce soit vrai ou non, dans la mesure où lui le croit...
Ces pulsions le font donc appartenir au vaste et hétéroclite clan des pédophiles. Des adultes attirés par les enfants. Et pas ceux de 16 - 17 qui commencent déjà à ressembler à des adultes. Non, les jeunes adolescents et les enfants. Ici, ça va encore, si on peut dire, Humbert est attiré par une catégorie de jeunes filles qu'il appelle les nymphettes. Ca va grosse modo des débuts de la puberté, ou un petit peu avant à 15 ans environ, c'est le moment où plus tout à fait des enfants, les jeunes filles ne sont pas encore des femmes. Ni même des jeunes femmes. Elles n'ont de femmes que des formes qui commencent à apparaître et dont elles ne savent pas toujours quoi faire, je pense qu'on peut résumer cela comme cela. Alors parfois, elles testent, pour voir comment ça marche. C'est ce que fait Lolita ici, elle a l'intuition qu'elle commence à changer de catégorie, elle veut voir comment ça marche. Alors, certes, elle séduit peut-être Humbert, mais ce n'est pas sa faute. Elle ne peut pas savoir ce dans quoi elle met les doigts, même en ayant déjà perdu sa virginité dans les bois de son camp scout. Ce qui se passe entre deux gamins n'est pas comparable à ce qui peut arriver avec un adulte. On ne joue pas au même jeu, il n'y a pas les mêmes règles, la donne est fondamentalement biaisée dès le départ. Et ce n'est pas l'adulte qui en souffre. Rétorquer que si, dans la mesure où cela lui vaut la prison n'est pas de bonne guerre, parce que c'est lui l'adulte, on considère qu'il connait les conséquences de ses actes.En tout cas dans des affaires aussi sérieuses.
A lire le livre, on en oublie souvent, à la longue, son jeune âge, parce qu'elle prend des habitudes, parce que c'est Humbert et non elle qui raconte, on ne peut la voir qu'à travers ses yeux, et il n'a que vaguement accès à ce qu'elle pense. Et de toute manière, voudrait-il le voir dans sa réalité, il est permis d'en douter. Mais, il dit tout de même, c'est l'un des extraits que j'ai mis, que toutes les nuits, elle pleure, quand elle le croit endormi. C'est bien là un des détails qui fait se remémorer que tout n'est pas normal là-dedans, et que ne pas se défendre, ne pas se plaindre, ne pas lutter comme elle le fait, n'est pas être consentant et content de son sort. Elle est prisonnière d'un maniaque, elle ne peut faire grand chose. Et quand j'avais tendance à oublier cela, je repensais à Notes on a scandal, et au fait que non, la pédophilie, même entre une prof et un garçon de 17 ans, n'est pas acceptable, ni envisageable à aucun prix. Et quand je repense à mes élèves, je me rends bien compte à quel point c'est impossible. Avoir la détresse de Lolita en tête en lisant ce livre fut un aiguillon très désagréable - et salutaire - quoiqu'il me donnait souvent envie d'envoyer ce livre au diable au début, de le brûler au bucher de l'immoralité et autres excès qui auraient prouvé combien je n'avais rien compris.
Ce qui m'a fait tenir la lecture de ce livre, outre Nabokov et sa plume, c'est d'avoir eu, dans un coin de ma mémoire, des scènes de Hard Candy. Hard candy, c'est un film de David Slade où une jeune fille de 14 flirte sur le web, par les chatrooms et autres sites, avec un homme, photographe, de 34 ans, qu'elle rencontre, aguiche un peu, et à qui elle finit par faire traverser l'enfer. Pour ceux qui voudraient le voir un jour, avec le suspens, je vais raconter les événements principaux là. Donc une fois chez lui, elle se montre joueuse, flirteuse, aguicheuse, propose un verre. Elle le drogue, parce qu'elle veut fouiller chez lui, elle le soupcçonne de pédophilie, et retourne sa maison pour en trouver les preuves. Elle finit par mettre la main sur des photos, ce qui lui fait dire cette réplique qui qualifie bien certains moments de Lolita :"this is officially sick!". Elle veut alors le pousser à avouer. Pour ce faire elle le torture en jouant sur une angoisse primitive, à l'aide de drogues et d'une mise en scène très audacieuse, elle lui fait croire qu'elle le châtre. Il avoue. Elle lui montre qu'elle ne l'a pas touché. Mais elle veut qu'il se dénonce. Pour ce faire, elle le menace de divulguer son secret à la seule personne à qui il tient. Il refuse qu'on sache ce qu'il a fait. Elle lui désigne une autre issue - le suicide. C'est celle qu'il choisit.
Ce film, a bien des égards, était jouissif. Déjà, parce qu'on est toujours content de voir la victime habituelle se changer en bourreau. Sauf que du coup ça va si loin qu'on est obligé de s'interroger sur l'acceptabilité de la loi du talion, sur la possibilité pour quelqu'un de juger quelqu'un d'autre, ou plutôt, sur la légitimité à émettre, tout seul, un jugement. Personnellement, je ne pense pas qu'on puisse juger ses pairs seul, et encore moins, et ce même en groupe, condamner quelqu'un à mort. Pour moi, la société n'a pas droit de vie et de mort sur ses individus, elle n'a pas légitimité à le faire. Et ce malaise, le film semble l'avoir vu, parce qu'il contourne le problème en poussant Geoff au suicide. Est-ce plus acceptable pour autant ? Je n'en suis pas sûre. Mais je ne peux nier qu'une partie de moi s'est réjouie de sa mort. Du triomphe de la frêle (enfin pas tant visiblement) jeune fille de 14 ans sur le mal (mâle) incarné devant lequel, la plupart du temps, on est sans défense. Mais bon, comme le dit le réalisateur, l'intérêt du film, c'est qu'aucun personnage, ni Hayley, ni Geoff, n'est tout noir ou tout blanc. On compatit avec la victime (enfin moi pas, mais je trouvais par contre l'émasculation et le suicide un prix trop cher à payer, surtout quand celle qui le fixe est une jeune fille de 14, donc un être seul et non encore adulte, en pleine possession de ses capacités de discernement dirons-nous), et on est forcément du côté de Hayley aussi, parce que c'est l'héroïne vengeresse de toutes les autres jeunes filles abusées. Et de façon générale de toute les femmes qui ne peuvent jamais vraiment répondre / répliquer au harcèlement qu'elles (que nous) subissent (/ons) parfois.
Ce qui était particulièrement intéressant ici, appliqué à Lolita, c'est l'une des disputes de Geoff et Hayley. Je vous la mets en français, pour le coup, il a été plus facile de prendre en note le trailer que de trouver le script, qui du reste, je le sais maintenant, est consultable là : www.horrorlair.com/movies/hard-candy-script.html
G : c'est toi qui est venue me chercher !
H : oh, je t'en prie ! c'est ce qu'ils disent tout s'il-te-plaît.
G : Qui ?
H : Les pédophiles ! ... Elle était tellement sexy, elle demandait que ça. Bien qu'en théorie ce soit une fille, elle se comportait comme une femme... C'est tellement facile de rejeter la faute sur un enfant... ! Le fait qu'une fille sache comment imiter une femme ne signifie pas qu'elle soit prête à faire tout ce qu'une femme fait... L'adulte dans cette histoire c'est toi ! Si un enfant fait une expérience et dit quelque chose pour tester son charme tu l'ignores ! Tu ne dois pas l'encourager. Si un enfant dis : " Hey, si on se faisait un petit cocktail ?" Tu enlèves tous les alcools que tu trouves et tu te dépêches pas de boire pour t'en servir un autre...
Mon passage préféré du film je crois. Il est tellement juste...
2 commentaires:
"Hard Candy" est un bon film qui m'a fait passer une nuit blanche tellement je me suis posé de questions. Cela dit, on est encore loin du chef-d'oeuvre, ne serait-ce qu'à cause de la scène finale du suicide qui est à tout égard, absolument invraissemblable ! Entre nous, ça sent le scénario baclé à la dernière minute..! Pourtant ce petit film indépendant m'a quand même bien retourné, j'avoue ! Pendant sa vision, on ressent des choses tout à fait contradictoires, on se demande qui a raison entre le photographe et la lolita du net, on se met à apprécier le mec puis on retourne sa veste pour enfin revenir vers des sentiments plus primaires. Choses inquiètantes, on a même envie de buter la gosse (à savoir Ellen Paige, l'interprète de la gamine a en réalité 22 ans, un peu comme Alison Lohman dans "Les associès" de Ridley Scott)à certains moments tellement elle semble folle..!! On ne sait donc jamais sur quel pied danser ! Et c'est vrai que la scéne de l'émasculation est d'une densité tout à fait remarquable ! Je crois que quand on est un mec, ce film représente d'autant plus un cauchemard mis en image, tant sa cruauté est importante ! Sinon, dans le même genre, je n'ai rien d'autre à te recommander (c'est une autre qualité de ce film d'ailleurs...) Voilà!
Biz et à +
oui, mes garçons non plus n'ont pas trop aimé la fin, ils sont plus exigeants cinématographiquement que moi, et de toute façon plus éclairés aussi, mais je reconnais qu'après le reste du film, ça fait un peu tout retomber, c'est trop facile...et il me semble improbable de préferer se tuer plutôt que de perdre l'estime de cette femme. mais bon, ça... j'ai par contre tjs été du côté de Hayley, jms du type, je pense que c'est le fantasme du libido dominandi, l'envie de compenser pour toutes les humiliations subies en silence de la part de certains indignes représentants de la gent masculine, mais c'est un autre problème, et il y a - heureusement - toujours une marge entre le fantasme et la réalité...
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