vendredi 11 mai 2007

les chiens de Pavlov


Un sujet bien plus léger pour une fois, les règles tacites de la vie en société, dont on dit tous qu'elles n'existent pas, mais qui sont tout de même bel et bien là.

On en a plusieurs catégories, plus ou moins agaçantes. Celles du métro par exemple, vous voulez en sortir ? (ci-contre la 13 en heure de pointe... ça fait envie...) Jetez vous sur le quai parce que sinon il faudra attendre le terminus. Dans les couloirs, vous voulez passer à rebrousse courant (on se demande d'ailleurs d'où viennent ces courants qui bizarrement changent de sens quand on en sort...), ne regardez pas les gens, sinon, il sauront que vous les avez vus, donc potentiellement, que vous écarterez de leur chemin, qu'ils n'ont donc pas besoin de dévier, et pratiquement, vous ferez du surplace en mode crabe, voire reculerez. Vous ne voulez pas donner d'argent au quinzième mendiant de la journée qui vous poursuit au Sacré Coeur, feignez de parler allemand, c'est la seule langue qu'ils ne connaissent pas (encore) (mais si vous le faites tout le temps, ils vont l'apprendre...). Vous ne voulez pas vous faire griller à la caisse du monoprix par une mémé un peu pressée: brandissez un livre anglais, ça vous donnera une excuse pour avoir l'air de ne pas comprendre ni voir ses oeillades, et ça la découragera sans doute de vous le demander...

On va sans doute sauter la catégorie vous voulez un job, harcelez votre hypothétique futur employeur. On a par contre, vous voulez que votre agence immobilière fasse venir le plombier, simulez une crise de nerfs au téléphone...

Au tango, vous rencontrez des gens, logique, un bon test à faire, très décevant en général, mais tout de même, un gentil danseur vous propose d'échanger vos numéros pour être sûrs d'aller danser le même soir, vous vous dites ça serait bien, laisser négligemment tomber le mot fatal "copain" dans la phrase (imaginaire ou avéré), vous verrez s'il vous appelle jamais... Bon, ça ce n'est pas une généralité, c'est juste très très fréquent tout de même, et décevant dans la mesure où vous, au moins, ne vouliez que danser. Mais si vous voulez convertir cela en un essai, un vrai, n'appelez jamais un homme la première, ne crachez surtout jamais sur la règle du premier soir - elle est vraie (enfin tout dépend de que vous attendez, mais c'est le meilleur moyen de tuer dans l'oeuf toute espérance de long terme) - et ne répondez jamais trop vite... vous auriez l'air à disposition, et comme dit Don Juan, il n'y a d'intéressant que la conquête...

Si après, comme moi, vous vous demandez où est encore la sincérité là-dedans, foulez ces fichues règles aux pieds. C'est comme ça qu'on a les meilleures surprises, qu'on rencontre les gens les plus intéressants. Bon, et qu'on a les plus grosses déceptions aussi, mais c'est tout de même un peu plus coloré et vivant non ? Il faut accepter de se laisser surprendre, prendre le parti de ne pas faire ce qu'on devrait, accorder à l'autre le bénéfice du doute, parce qu'il ne suffit pas d'appuyer sur des boutons pour déclencher telle réaction, les gens, même eux, ces "autres", ne sont pas les chiens de Pavlov. Je veux dire, faites quelque chose, en sachant très bien quel sera neuf fois sur dix le résultat, ça vaudra toujours la peine pour la dixième. Bon, il faudra supporter les neuf autres... c'est sûr... mais de toute façon, c'était vicié d'avance, alors pourquoi accepter de jouer le jeu ... Ne pas poser de grosse barrière rouge avec girophares et sirènes peut permettre de rencontrer des gens désintéressés, et leur laisser le bénéfice du doute est une marque de respect je pense. Mépriser les conventions du flirt est aussi une bonne façon d'être surprise, c'est vrai, si on doit tout voir en noir, en codes, en papier à musique qu'on déplie... c'est vite déprimant, et à obéir tous aux mêmes règles, on est vite interchangeables, non ... ?

Mais ça n'est possible qu'une fois passé le premier stade d'illusion et de naïveté encore hérité du climat protégé de l'école, de l'enfance, d'une ville avec moins de gens (soit de requins potentiels - quoique la seule chose qui change fondamentalement, ce soit le nombre). Il faut s'être fait avoir quelque fois pour savoir comment la grande comédie sociale marche, en comprendre les règles, les accepter un moment, parce que c'est la seule façon de les maîtriser, et ensuite... s'en démarquer, dans la mesure du possible. C'est un sport comme un autre. Il faut de l'entraînement, il faut de l'endurance, et il faut ménager des plages de repos. Et à la fin, pour les virtuoses, il y a le petit sentiment de reconnaissance, ce moment où on peut déceler dans la foule la personne qui, venant en face, vous fera un peu de place pour vous laisser passer, et dont au fond dépend, d'elle et de ses semblables, votre bonne journée...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Parfois on aurez l'envie sans doute saugrenue de chercher a s'exiler en Nouvelle-Zelande.