lundi 14 mai 2007

Kant et la pensée du sublime


J’ai longtemps eu une angoisse profonde de la question « et chez Kant … ?», ayant un jour été traumatisée par celle-ci. Du coup, j’ai juré qu’on ne m’y reprendrait plus, j’en ai fait pas mal, et ça m’a même plu. C’est ce qui a permis que tout d’un coup, comme ça, ressurgissent tous ces souvenirs du concept de sublime chez Kant.

Du coup, une fois n’est pas coutume, ça doit être la lune, je ressors mes vieilles fiches (fifiches pour les intimes…), comme au bon vieux temps, pour faire une note de philo…

Chez Kant : « est sublime ce qui, du fait même qu’on le conçoit, est l’indice d’une faculté de l’âme qui surpasse toute mesure des sens. » (Critique de la faculté de juger). C’est en effet une qualité extrêmement élevée chez lui dans la hiérarchie des valeurs, dans la mesure où elle met en jeu l’idée de transcendance (ou d’infini).

Alors après, par opposition au beau, le sublime comporte l’idée d’un face à face, d’une lutte avec quelque chose qui nous dépasse infiniment, mais qui en même temps nous exalte et nous renvoie au sentiment de notre propre transcendance.

Le sublime a des dimensions morales, métaphysiques et religieuses, qu’on retrouve au moins à titre de composantes dans son sens esthétique. Il peut ainsi désigner des actions qui suscitent l’admiration, l’enthousiasme… De façon plus générale, le sublime est le sentiment en l’homme de ce qui le transcende, c’est par excellence le sentiment de la condition humaine : Pascal dit « c’est être grand et connaître qu’on est misérable ». (Pensée 397).

Il introduit par là la dimension métaphysique de la notion de sublime, qu’on retrouve particulièrement développée chez Kant : tandis que le beau est fini et apaisant, confortable, dirais-je, le sublime, dans le fait même qu’il mette en jeu l’idée d’infini, renvoie à une idée de tension, de trouble, suscité par exemple par des objets terribles, démesurés, chaotiques (volcan, océan déchaîné). En fait, nous éprouvons, dans le sentiment esthétique du sublime, la sourde conviction que l’homme est appelé à s’élever au-dessus de lui-même et peut toujours, quoiqu’il lui en coûte, surmonter sa petitesse, sa misère ou son insignifiance. J’ai envie de dire là : c’est beau le sublime, non ? Mais ce n’est pas ma partie préférée en fait…

Ce que j’aime particulièrement dans le sublime chez Kant (et évidemment je n’arrive plus à remettre la main sur ma fiche sur la question), c’est quand il analyse son fonctionnement, la façon dont il saisit l’homme, le prend à la gorge. Pour moi, le sublime, c’est et ça a toujours été quelque chose qui vous étreint la poitrine, vous coupe le souffle, comme une crise d’asthme qui vous prendrait par surprise. Et on est là, à hoqueter devant un spectacle incroyable. Le sublime, c’est tout d’abord un mouvement d’humiliation profonde que subit l’âme humaine devant ce qui la dépasse, elle voit une chose dont elle prend tout d’un coup conscience qu’elle est bien plus grande qu'elle, qu’elle est toute petite et insignifiante à côté. Et notre âme prend peur devant ce spectacle, parce que se sentir si petit, maigrichon, c’est être rappelé à sa propre condition d’humain, à sa propre mort qu’on oublie tout le temps. C’est pour cela que le sublime est physique ; le beau peut laisser physiquement indifférent, le sublime prend aux tripes parce qu’ils nous rappelle qu’on est destinés à l’anéantissement et que quand nous, on ne sera plus que poussière, oubliés, ça, ce qu’on a en face de nous, ça sera toujours là…

Après, il y a la relève, l’autre mouvement, qui est un mouvement de l’intellect, c’est déceler le dépassement, penser justement cette opposition, et ce simple fait, cette simple action, de l’esprit permet de dépasser l’anéantissement auquel l’homme est promis et voué. Il est le seul animal capable de penser le sublime, ça compte. Il est le seul animal capable de susciter le sublime, ça aussi ça compte. Et surtout, penser le sublime, c’est lui arracher un peu de cette intemporalité, un peu de cette éternité et la faire sienne. L’homme est périssable par son corps, sa condition, mais son esprit, comme on le disait encore beaucoup au temps de Kant - et il faut reconnaître que c’est vraiment très beau - son esprit est flamme divine…

Le sublime, c’est donc ce double mouvement, d’humiliation et de relève immédiate de l’homme, c’est la prise de conscience de sa condition et le dépassement de celle-ci…

A méditer la prochaine fois qu’on voit une grosse vague foncer vers la plage… ;-)

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour moi, le sublime, c'et ce qui fait qu'on peut croire qu'il y a autre chose, et que la vie mérite d'être vécue.
(J'ai toujours été une grand admiratrice de Kant. Ca fait du bien de renouer avec la philo.)

Lenora a dit…

:-)
pour moi, la vie mérite d'être vécue à cause de Semprun, et de son "l'écriture ou la vie".
je ferai une note dessus un jour tiens...

Anonyme a dit…

Vous avez oublié de brancher le décodeur kantien/français c'est dommage...

Lenora a dit…

pardon...
déformation professionnelle... ?